Franklin, voyage au bout de la mort gelée.

 

                                                       


Par Robert Laplante

Il y a 35 ans cette année, le prolifique écrivain Dan Simmons publiait Terror (Terreur en version française), un thriller horrifique consacré au tragique périple polaire de John Franklin. Ce capitaine anglais qui voulait découvrir le mythique passage du Nord-Ouest qui devait permettre aux navires européens de joindre l’Asie plus rapidement.

Si le lauréat du prix Hugo de 1990 s’est intéressé à la dramatique épopée de Franklin, c’est parce qu’elle a profondément marqué l’imaginaire occidental. La découverte par des archéologues de parcs Canada, de ses deux navires, l’Erebus en 2014 et le Terror en 2016, a fait la une des médias d’ici et d’ailleurs.


                                                


Pourquoi en a-t-on autant parlé? Simplement puisqu’elle avait tout, pour fasciner notre mémoire collective.

Piégé par la glace au nord-ouest de l’île du Roi-Guillaume, l’équipage doit hiverner pendant plus d’un an. Une année où Franklin ainsi que 24 de ses hommes trouva la mort. Le reste de survivants, sous le commandement de Francis Crozier, abandonne les deux navires pour rejoindre le sud. En vain. Personne n’y survivra.

                                           


Seuls quelques maigres indices, une note de Crozier déposée sous un cairn dans l’île du Roi-Guillaume et quelques récits racontés par les Inuits, témoigneront de leur présence sur l’enfer glacé. Jusqu’à ce fameux 7 septembre 2014 où l’épave de l’Erebus est enfin découverte.

C’est cette impitoyable épopée que relate Michel Durand dans Franklin les prisonniers de l’Arctique. L’odyssée, mais surtout celle des hommes et des compagnes qui composent l’équipage des deux navires.

                                     


Oui, vous avez bien lu! Des femmes! Parce qu’effectivement il y en avait quelques-unes qui s’étaient travesties en messieurs pour pouvoir participer à cette glorieuse aventure.



Mais ce n’est pas parce que le sujet titille notre imagination que la bande dessinée est automatiquement un succès. Oh que non! Il faut savoir choisir les éléments marquants et bien les intégrer à ceux qui relèvent plus de la fiction. Il faut savoir créer le climat anxiogène essentiel pour que les liseurs s’accrochent au récit, il faut utiliser efficacement les ellipses chronologiques et plus encore, compter sur la plausibilité pour combler les trous d’une histoire qui en a plein.

Michel Durand, dont j’aimais beaucoup jadis ses Cliff Burton, a haussé avec brio le défi. Il a su donner l’impulsion dramatique nécessaire pour garder le lecteur sur le qui-vive. Comme il a su miser sur le leadership de certains personnages forts et phares. Comme il a su choisir avec intelligence les événements les plus significatifs pour bien nous faire vivre cette éprouvante aventure.

Mais par-dessus tout, il a mis efficacement sur papier les paysages du Grand Nord, véritables cathédrales de glaces aussi silencieuses que bruyantes, sublimes que terribles, grandioses qu’inquiétantes. De magnifiques et imposants monuments blancs indifférents au sort des profanateurs anglais.

Et même si le nombre de cases par page étouffe un peu le graphisme. Et même si l’écriture cursive freine un peu la lisibilité, le récit que propose Durand est captivant, plein d’informations pertinentes sur la vie de ces marins, sur les dangers auxquels ils ont fait face, sur le peu d’intérêt de l’Angleterre pour les retrouver et sur cette petite société improvisée dans le nord du Nord. Une petite association résignée qui, accablée par la faim, la peur, l’épuisement, et le désespoir, cède à la folie, à la violence et aux instincts les plus sombres de l’âme humaine.

                                            


Et comme le fait si bien la collection Explora, on retrouve un document historique en conclusion qui fait la lumière sur cette incontournable tragédie exploratrice.

Michel Durant, Franklin les prisonniers de l’Arctique, Glénat.

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