Jacques Martin le baroudeur de l’histoire dessinée.

 

                                                                


Par Robert Laplante

D’aussi loin que je me souvienne, Alix, le Gaulois a toujours fait partie de mon univers bédé. Depuis le jour où la bibliothèque publique de mon quartier avait reçu ses aventures. Il faut dire que ces aventures étaient beaucoup moins populaires auprès des gamins que : Lucky Luke, Boule et Bill, Astérix ou Spirou. Bref j’en trouvais constamment à emprunter.

Il y avait aussi mon père. Grand amateur de péplums, qui aimait les lire quand je les ramenais à la maison. Peut-être qu’inconsciemment je les prenais régulièrement pour pouvoir partager un moment privilégié avec mon paternel. Mais bon, je laisse aux psys le plaisir d’analyser les racines de ma relation avec Alix. Ils sont sans doute plus qualifiés que moi pour en discuter.


                                                  


Je fréquente l’œuvre de Jacques Martin, autant Alix que Lefranc et Jhen, depuis des décennies. Tout comme Patrick Gaumer.

C’est un peu naturel qu’il lui consacre une superbe biographie. Un ouvrage d’autant plus essentiel que ceux de Michel Robert et de Thierry Groensteen, qui sont en fait des entrevues-fleuves, commencent à dater légèrement. D’avant son décès en 2010, faut-il préciser.

Si Jacques Martin a toujours fait preuve d’une incontestable rigueur historique dans ses bandes dessinées, il en est de même pour Patrick Gaumer. Avec la minutie d’un détective chevronné ou d’un journaliste d’enquête, le biographe, auteur d’excellentes monographies sur Rosinski et Tibet et bientôt sur Vance, propose un bouquin tout simplement passionnant et rigoureux comme un métronome. Chaque détail, chaque information, chaque anecdote est vérifié et contre-vérifié. Rien n’est laissé au hasard et sans aucune zone d’ombre.

Il faut dire qu’en mettant la main sur des documents que personne n’avait consultés auparavant, comme les archives de la famille Martin, l’auteur avait tout le matériel nécessaire pour bien restituer l’impressionnant parcours de ce géant du 9art franco-belge.

                                             


Le plus grand mérite de Gaumer est d’avoir su redonner, avec son écriture vivante et son choix judicieux d’anecdotes, au bédéiste, son humanité. En effet, jamais le biographe ne s’est laissé piéger par son statut emblématique. Tout comme il ne s’est pas laissé intimider par le Martin imprévisible, un tantinet ombrageux, prêt à se lancer dans la bagarre à tout moment et qui pardonne aussi rapidement qu’il s’emporte.

Il préfère s’attarder à l’homme derrière le mythe. Ce Martin fait de force, de fragilité, de doutes, d’angoisses et de blessures d’enfance qui ont peut-être teinté ses créations. Mais bon je me garde bien, comme Patrick Gaumer d’ailleurs, de tomber dans la psychanalyse de bazar.

Tout comme il aborde ce Martin un peu casse-cou qui aime prendre des risques et secouer, mais à sa façon, les cadres d’une société un peu coincée, emprisonnée dans sa morale et ses non-dits.

Nous trouvons aussi ce Martin respectueux, à l’écoute de ses admirateurs qu’il adorait rencontrer. Il pouvait discuter généreusement, même s’il aimait moins qu’ils remettent ses interprétations historiques en question. Il s’est même improvisé guide en 2004, alors qu’il n’était plus très jeune, pour une visite du château du Haut-Koenigsbourg dans son Alsace bien-aimée. Une visite qui devait être aussi impressionnante que passionnante.

Jacques Martin le voyageur du temps est un ouvrage fondamental pour bien comprendre Martin et son parcours. Une monographie incontournable, qui se lit comme un roman et qui ne tombe jamais dans l’hagiographie un peu bêbête ou dans la critique un brin méprisante. De celles qu’il a beaucoup reçu de la part de ces ratés sympathiques qu’on nomme critiques comme aimait le chanter Robert Charlebois.



Patrick Gaumer, Jacques Martin, le voyageur du temps, Casterman.

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