Un bagne sous les tropiques : l’injustice

 

                                                                

Les incorrigibles

De Patrice Quélard

Plon

423p

Parfois, vous identifiez un auteur puis c’est presque l’illumination. En ouvrant les premières pages de la saga historique : Les incorrigibles, nous avions immédiatement que cette surprise allait se classer au sommet des dix romans de l’année littéraire. Auteur de la place aux immortels que je me promets bien de lire sous peu, Patrice Quélard est un fin renard. Pétri, des écrits de Didier Daeninckx, Jean Amila, Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit) et sans contredit Albert Londres, lanceur d’alerte avant l’heure, cette nouveauté imposante nous fait redécouvrir l’enfer des bagnes de Cayenne, des bataillons disciplinaires d’Afrique, ainsi que Léon Cognard, ancien officier de la gendarmerie qui a vécu la première Grande Guerre.

Il est bien difficile de résumer cette histoire poignante dont les faits sont incontestables, soit le calvaire des bagnes. Si certains meurtriers, malfrats et autres caïds y furent envoyés d’office, combien de résistants au système, pupilles de la nation revêches, prirent ce chemin sinistre, ou peu survécurent.

                                                 

Pas de chance

Marcel Tahlouran est né sous une mauvaise étoile. Un père alcoolique violent, des problèmes à l’école suivie de quelques larcins et une mère qu’il a adorée sans pouvoir la protéger. Considéré comme un indésirable par la société, il sera envoyé aux sinistres bataillons d’Afrique, brûlera son uniforme de soldat et direction le bagne de Guyane. Sans trop savoir qui est cette personnalité effectivement douce, Léon Coignard procédera à son arrestation avec un doute plus que raisonnable. En cet été1919, les troupes américaines plient bagage et laissent derrière elle (ville de ST Nazaire) des tonnes de matériel qui alimenteront un juteux trafic d’argent et d’influences.

                                            

Enquêtant sur le vol d’un train (!!!) ou du moins sa disparition, Léon Coignard en ressortira un peu plus dégoûté. Est l’appel du large qui se fait sentir, mais le voici en possession d’un billet pour la Guyane. Prétextant une passion pour les oiseaux exotiques, il cherche à savoir ce qu’est devenu Marcel, victime, il le sait d’une injustice.

Et c’est précisément lors de ce périple que l’action va se corser. Si Marcel est l’amalgame de plusieurs bagnards (vous le découvrirez en consultant les notices historiques à fin du roman), le sinistre Diacre a bien existé comme la multitude de personnages qui firent régner l’épouvante.

Avec son pécule, Léon Coignard s’installe en Guyane, créé une coopérative fruitière, ou il en emploiera d’anciens prisonniers. Loin d’être une bluette, Les incorrigibles est un roman douloureux sur le système pénitentiaire, incompréhension des hommes ainsi que la justice expéditive. Un dispositif terrifiant basé sur la privation et la pauvreté qui se conclura par un envoi à Albert Londres qui dénoncera à sa manière (Au bagne 1923) la brutalité coutumière. Vivement la suite des aventures de notre ami Léon qui s’est «  évaporé» dans la nature avec Marcel, sauvé de la réclusion!