Un général, des généraux, le ballet comique de la IVe république.

 

                                                              


Par Robert Laplante

1958. Ça va mal, pour la France et sa IV République. Elle est incapable de relever les défis qui s’offrent à elle. Les prétentions indépendantistes algériennes sont en train de la miner. Pressé autant par les indépendantistes du FLN que par les colons et l’armée coloniale qui s’y opposent, le Président n’a plus le choix, il doit faire appel au général Charles de Gaulle.

                                         


Mais celui que l’OAS surnomme la grande Zohra a un autre plan en tête : mettre fin à l’obsolète et inefficace la IVe république et la remplacer par une nouvelle, la Ve. C’est le prix à payer pour circonscrire la poudrière algérienne qu’un quarteron de généraux, comme l’homme du 18 juillet aime qualifier les généraux rebelles, vient d’allumer.

                                            


Événement clé de l’histoire française, ce passage chaotique de la VIe à la Ve République n’a rien de bien amusant. Pourtant, Boucq et Junker en ont fait le théâtre d’une comédie irrévérencieuse où tous les protagonistes se font ridiculiser.

Avec ses parfums de comédie potache branquignole Un général, des généraux est une délirante plongée dans les coulisses d’une situation politique inextricable. Là, où les bourdes et les malentendus se multiplient. Là où les acteurs sont fats, orgueilleux et plus préoccupés par leur superbe que par la résolution de la catastrophe dans laquelle ils sont en train de plomber l’Hexagone.

                                           


Juncker, avec un humour décapant, qui s’inspire autant des franches déconnades cinématographiques françaises que des Monty Python et des Marx Brothers, nous guide à l’intérieur d’une infernale spirale où chaque nouvelle page annonce un enchaînement d’erreurs et de confusions plus calamiteuses, que la précédente. Comme si les dieux de la bêtise et ceux de la guerre, qui sont souvent les mêmes, s’étaient ligués pour pousser l’absurdité de la situation à son paroxysme.

Truffé d’imbéciles de première, d’ego surdimensionnés et d’un lot de parfaits incompétents, Un général, des généraux est magnifiquement mis en image par Boucq. Son trait à la fois réaliste et caricatural et ses personnages aux gueules «gendarmesques, rappelez-vous ces comédies de Jean Girault» donnent un air presque burlesque à un scénario qui l’est déjà beaucoup.

                                             


Boucq est en grande forme dans ce vaudeville satirique. Il s’y sent bien. Aussi bien qu’un poisson dans l’eau. Tout comme Juncker qui maîtrise parfaitement le difficile métissage de l’histoire et de l’humour irrévérencieux. Tout comme moi qui ne pouvais qu’être réjoui de cette bande dessinée qui me rappelle les sketches cinématographiques et dessinés qui ont nourri mon adolescence.

Si on reconnaît la grandeur d’une nation à la façon dont elle est capable de rire de ses moments marquants les plus tragiques, eh bien Un Général, des généraux est une merveilleuse démonstration de l’habileté de nos cousins de rire d’eux.

Boucq, Juncker, Un général, des généraux, Le Lombard.

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023