La guerre et ses séquelles

 

                                                                  

Guerre

Louis -Ferdinand Céline

Inédit

Gallimard

192 p

J’ai attendu avant de faire une chronique sur ce premier inédit de Louis-Ferdinand Céline. Parce que l’été, n’est pas propice aux livres  «  durs » encore que! Le conflit fait rage en Ukraine, des millions de personnes sont déplacées, les décès sont légion ainsi que les traumatismes.

Passons, maintenant au cas Louis-Ferdinand Céline. Écrivain de génie (Voyage au bout de la nuit), antisémite notoire, certaines publications sont d’une violence inouïe, il sera condamné après la Seconde guerre mondiale pour dix ans (dégradation nationale). Doit-on faire la part des choses, certainement. Voyage au bout de la nuit est sans contredit, l’écrit le plus antimilitariste qui soit. Bardamu son héros, blessé pendant la Première Guerre mondiale, part en Afrique et découvre le colonialisme le plus abject. Mais il y a plus encore. La langue « célinienne » est indivisible. Crue, elle interpelle, et nous comprenons pourquoi, elle a eu tant d’influences sur les écrivains. De Frederic Dard à Alphonse Boudard, sans oublier le génial scénariste Michel Audiard ainsi que des auteurs de romans policiers qu’ils soient français ou anglais (je songe surtout à James Ellroy) le style Céline dérange, apostrophe au risque de vous incommoder et de trouver certains plumitifs bavards ou inutiles.

L’histoire de ce texte manuscrit s’inscrit dans la veine d’un roman policier. Sentant la «  soupe chaude» (euphémisme), Céline quitte Paris avec son chat Bébert et sa femme Lucette. Il laisse dans son appartement plus de 6000 feuillets, romans ou ébauches qui seront récupérés par un mystérieux personnage. 80 ans après, la maison d’édition «Gallimard a décidé de revoir ces manuscrits/feuillets. Guerre, est la suite, mais en beaucoup moins dense, de Voyage au bout de la nuit. Le chaînon manquant en somme. Ferdinand que l’on suppose être l’auteur vient d’être blessé grièvement. Il se traîne entre les carcasses d’animaux et les soldats tombés au combat, jusqu’à une antenne chirurgicale. "  J’ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête" En moins de 200 feuilles, il décrit le parcours d’un supplicié, parfois de façon hallucinée. Sous la tente, il sent la fatigue, l'angoisse, voit son meilleur ami mourir, redoute le peloton d’exécution pour avoir quitté la tranchée. Toutes les nuits, les plaintes de ces pauvres êtres qui disparaissent à petit feu. Chaos, absurdité, boucherie humaine, Céline est immense. Un récit à la baïonnette si vous me passez l’expression et tout cela en 192 pages, avec une introduction fort éclairante sur ce manuscrit!