Par Toutatis : La tribu de Lapinot

 

                                                      


Par Robert Laplante

Par Toutatis! Ça va mal dans le village des irréductibles Gaulois. On savait déjà, grâce à La grande traversée et un peu à William Shakespeare, qu’il y avait quelque chose de pourri dans celui du chef viking Øbsen. Mais on n’aurait jamais cru que c’était aussi le cas pour le sympathique petit hameau armoricain.

Erwann Plougalec, Breton un peu mégalomane, a besoin de la fameuse potion magique pour réaliser son rêve de toujours : sauver la planète des politiciens corrompus et des multinationales. Hélas, Panoramix n’est pas du genre à donner les recettes secrètes de ses potions au premier venu. D’autant plus que Plougalec n’est pas un druide, tout au plus, un Monsieur Ming de pacotille. Alors, pour le convaincre, il se fait passer pour Toutatis lui-même.

                                            


Mais il y a un hic, Plougalec vient de notre monde. Grâce à une machine à voyager dans les livres, il a réussi à rejoindre l’univers d’Astérix. Un pareil périple est incertain et comporte une part de risque, dont celui d’entraîner avec lui Lapinot et l’impayable Richard. Ces derniers ont donc 24 heures pour déjouer les plans du Breton, sauver notre société et retourner dans notre époque «covidée.» De quoi nous inquiéter un peu.

Nouvelle péripétie de Lapinot : Par Toutatis est un irrésistible hommage autant irrévérencieux que respectueux du Astérix que j’aime tant. Je dois même avouer que je l’ai trouvé beaucoup plus désopilant que ses précédentes aventures officielles. Plus hilarant et plus «destroy» aussi. Du moins si on se met du côté des Romains qui perdent littéralement la tête en se frottant à Obélix. Le vrai Obélix, pas la pâle copie cinématographique interprétée par Gérard deux par deux.

                                         


Tout le monde le sait, je suis incapable de résister à l’humour de Trondheim. Son sens de la dérision, son utilisation de l’absurde, ses jeux de mots vaseux, ses références déjantées à la vie moderne et ses incroyables vannes en font un héritier direct de Goscinny. Parce que oui, il y a une filiation entre ces deux grands auteurs. Je retrouve dans les bédés de Trondheim, surtout dans Lapinot, le même esprit de franche rigolade, de déconnade incontrôlable, d’humour potache et de fous rires imprévisibles qui ont nourri entre autres ses Astérix, ses Iznogoud et ses collaborations avec Gotlib.

                                      


Bien sûr les derniers Astérix, ceux de Ferri et Conrad, étaient intéressants. Mais j’ai toujours trouvé que l’ironie décapante de Ferri se moulait moins naturellement au petit monde des Gaulois. Alors que chez Trondheim la magie opère dès l’arrivée de Lapinot. Le bédéiste se glisse parfaitement dans l’humour de Goscinny sans perdre pour autant sa propre signature.

J’avais même l’impression quelques fois que Goscinny et lui se répondaient, comme deux complices qui se connaissent depuis longtemps. Vous savez ces complices qui peuvent en un clin d’œil reprendre la balle là où l’autre l’a laissée sans que nous nous en apercevions. L’identique complicité que Goscinny entretenait avec Uderzo.

Oui vous l’avez remarqué, il m’est difficile d’avoir un regard critique sur Lapinot. D’une part parce que je suis vendu à ses histoires. D’autre part parce qu’un Lapinot ça ne s’explique pas, ça se lit. Mieux encore, ça se vit. Aucun mot, aucune phrase, aucune critique ne pourra bien éclaircir toute la richesse humoristique des héros de Trondheim. Et Par Toutatis n’y fait pas exception.

                                            


Puisqu’un bonheur ne vient jamais seul — oui, oui, je sais ce n’est pas tout à fait le proverbe — on a aussi eu droit à 3 autres Lapinots cet été. Trois exhilarants courts albums de poche composés des strips réalisés pendant le premier confinement en France et publié sur Twitter. Le résultat est absolument fabuleux. Trondheim excelle dans le strip humoristique et les personnages de Lapinot, avec leurs observations savoureuses et leurs répliques assassines, se prêtent merveilleusement bien au genre. La rencontre entre Dieu et Richard, qui avec sa mauvaise fois légendaire et sa logique foireuse réussie même à troubler la belle assurance du vieux monsieur à la barbe blanche, est particulièrement jouissive.

Si Dieu avait le même humour que Lapinot et ses amis, c’est évident qu’on s’amuserait beaucoup plus sur notre petite planète. Mais bon comme manifestement il ne l’a pas, eh bien il nous reste qu’à lire et à relire les Lapinot.

Trondheim, Par Toutatis, L’Association

Trondheim Richard et Dieu, l’Association

Trondheim, Ultra Secret. L’Association

Trondheim, Sous le trottoir, L’Association.

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