Arkham Mysteries. Rêveries lovecraftiennes au stade des Alouettes.

 

                                                        


Par Robert Laplante

Existe-t-il des cauchemars plus oppressants que ceux proposés par Lovecraft. Je ne pense pas? Pour moi, Lovecraft rimera toujours avec ces songes angoissants trop réels qui ne se terminent jamais.

Seth Armitage, un brillant professeur de l’université d’Harvard en disgrâce, ne savait pas à quoi s’attendre quand il débarqua au début de l’année 1921 à Arkham. Il faut dire que le pauvre intellectuel, jadis étoile montante de la vénérable institution, n’avait pas vraiment le choix d’y aller. Après s’être fait fermer les portes de tout ce que les États-Unis comptent d’universités, l’offre de celle de Miskatonic tombait à point. Elle serait peut-être même un tremplin pour lui permettre de redorer une étoile qui a perdu beaucoup de lustre.

                                              


N’eut été de son voyage en Mongolie, à la recherche d’un collègue et ami disparu pendant un périple d’études sur une supposée civilisation non humaine et pré australopithèque, Armitage ferait toujours partie de la fine fleur du corps professoral de la prestigieuse école. C’était avant sa descente aux enfers. Hélas, la petite ville du Massachusetts baignée dans des brumes mystérieuses et des odeurs fétides n’est peut-être pas le meilleur endroit pour espérer une seconde chance.

                                                


Excellente bande dessinée signée Richard D Nolane et Manuel Garcia, le premier tome d’Arkham Mysteries traînait depuis longtemps dans ma pile de bandes dessinées à lire. Pourtant j’avais hâte de la lire, mais je ne sais pas pourquoi je remettais toujours sa lecture . Ce qui devait advenir arriva, j’ai fini par oublier son existence. Et si ce n’était d’une défaite vexante des Alouettes de Montréal, elle serait encore quelque part dans la même pile.

                                                         


Mais voilà, les moineaux jouaient mal et pour tromper ma frustration, rien ne valait une bande dessinée. Elle est apparue sans avertissement. Exactement comme le firent les Grands Anciens devant un Abdul al-Hazred aussi incrédule qu’abasourdi. Il ne faut pas se le cacher, Arkham Mysteries est une bande dessinée amusante, classique certes, et pas si révolutionnaire, qui m’a fait passer un excellent moment. Tellement délicieux que j’ai bien hâte de lire sa suite.

Il faut dire que Richard D Nolane est un scénariste aguerri qui sait raconter une histoire. Un habille tisseur de scénario efficace qui sait distiller avec éloquence le discret parfum du mystère essentiel à ce genre d’histoire. Un conteur d’expérience qui sait reproduire sur papier l’atmosphère angoissante d’un inquiétant univers aux sonorités de celui créé par un des pères de la littérature d’horreur américaine. Tellement proche qu’on a l’impression que le mythique écrivain lui a dicté les mots, les rythmes et les couleurs de la narration.

Comme à son habitude, Nolane est appuyé par un dessinateur, Manuel Garcia qui sait taire ses ambitions graphiques pour se mettre totalement au service d’un terrifiant piège lovecraftien.

                                           


Mais le plus intéressant dans Arkham Mysteries, est cette vision réaliste de l’univers glauque et putride lovecraftien. Un univers insaisissable en constante redéfinition, se métamorphosant au gré de mélodies proposées par ceux qui l’adaptent en bande dessinée. Autant Christian Quesnel et Ariane Gélinas ont exploré avec brio son côté «hardcore» presque baroque dans La cité oblique, autant Nolane et Garcia ont plongé à pied joint dans la logique implacable de sa narration au parfum surannée du gothisme américain.

                                                      


Comme s’il était à la fois et en même temps : Christian Quesnel, Annabelle Gélinas, Richard D Nolane et Manuel Garcia.

C’est peut-être pour ça que je l’aime encore. Lovercraft. C’est peut-être pour ça que j’ai autant de plaisir à lire ses différentes adaptations. j’ai souvent l’impression de le découvrir sous un nouveau jour. Un Lovecraft distinct du mien, mais toujours aussi séduisant.

Alors oui, j’ai eu du plaisir avec cet Arkham Mysteries, une bédé classique qui se laisse lire avec plaisir. Parce que oui les récits classiques peuvent encore me frapper. Tout comme les Alouettes se sont fait surprendre par le Rouge et Noir d’Ottawa. Maudits moineaux.

Richard D Nolane, Manuel Garcia, Arkham Mysteries tome 1 Le ciel des Grands Anciens Soleil.

Christian Quesnel, Ariane Gélinas : La cité oblique, Alto

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