Caboche : le casse-tête du privé.

 

                                                       


Par Robert Laplante

Les coups de poing derrière la tête, ou quelques fois en pleine figure, en ont fait tomber des personnages de fiction. Dans les polars par exemple, les détectives se font régulièrement malmener par des malabars qui adorent les expédier dans les bras de Morphée.

Chez les superhéros c’est pire encore. C’est même devenu leur routine. Un seul coup de poing, mais bon il faut quand même qu’ils soient aussi violents qu’une volée de briques, et vlan, voilà notre héros au pays des songes pour quelques minutes. Et puis, il se relève, frais telle une rose, prêt à en découdre de nouveau, paré à danser une petite gigue sur le toit d’un stade comme Bruce Willis dans The Last Boy Scout.

                                            


Frank Armstrong n’est pas vraiment un Bruce Willis. Il se fait salement amocher par des gens aux activités plus que douteuses. Et des gens louches, il en connaît beaucoup pas toujours recommandables et bienveillants. Armstrong est un détective minable. Le genre de privé sans envergure qui pourchasse des disparus pour le compte de clients, à qui on ne peut pas donner le bon Dieu sans confession.

Frank est engagé par Gibson, un caïd qui veut retrouver sa fille. Frank ne le sait pas, mais il a besoin d’argent alors il accepte de la débusquer. Le hic c’est que Frank vient de se faire diagnostiquer une tumeur au cerveau. Une néoformation qui lui cause des moments d’égarements, qui le fait tomber dans les pommes sans avertissement et qui alterne son jugement, comme s’il vivait simultanément le passé et le présent. Si on rajoute son affection pour la fille qu’il doit trouver, parce qu’elle lui rappelle sa défunte femme, on peut dire que notre détective est dans de très mauvais draps.

Merveilleux thriller dessiné signé Joshua Hale Fialkov et Noel Tuazon, Caboche fait partie de ma liste des 10 bédés de l’année. Une BD aussi surprenante qu’amusante. Un polar dessiné que j’ai lu d’une traite et qui m’a déstabilisé à chaque page.

Il faut dire que le scénario de Fialkov est particulièrement ingénieux ainsi qu’inspirant. Le héros qui valse constamment entre réalité et passé s’annonce comme un fabuleux terreau pour bâtir un polar hors normes au parfum de Chinatown de Polansky,

                                         



 des Sin City de Miller

                                                  


et du réjouissant Memento de Christopher Nolan.


                                                


Si le scénario de Joshua Hale Fialkov fonctionne bien, c’est aussi grâce au magnifique dessin de Tuazon qui nous balade dans un Los Angeles glauque, sombre et froid malgré son soleil omniprésent. Son trait un peu vaporeux traduit avec brio une Cité des Anges peuplée de fantômes et d’âmes perdues aux silhouettes imprécises. Imprécises comme ces empreintes dessinées à chaque anniversaire des tragédies d’Hiroshima et de Nagasaki. Tuazon peint avec évocation ce miroir aux alouettes, qu’est la mégapole californienne. Ce mirage scintillant qui broie cruellement la naïveté et l’espérance de ceux qui croient aux lendemains qui chantent. Ces pauvres perdants qui comme Frank Armstrong espèrent goûter une miette du bonheur qu’elle promet.

Il y a des moments où on se sent privilégié de lire certaines bédés. Caboche en fait partie.



Joskua Hale Fialkov, Noel Tuazon, Caboche, éditions Sonatine

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