La machine à broyer

 

                                                                                    


Témoignages sur la famine en Ukraine

1933

L’année noire

Présentés par George Sokoloff

Albin Michel

496 p

Lors de mes jeunes années en sciences politiques, j’ai eu la chance d’avoir des enseignants curieux et qui nous faisaient découvrir autre chose que la vulgate habituelle. Je songe évidemment à Gérard Chaliand, l’un des plus grands spécialistes mondiaux des guerres révolutionnaires associés à aucune école, André Donner et André Liebich qui a terminé sa carrière aux hautes études de Genève, Polyglotte et Polonais dans l’âme, il attira mon attention par sa passion de chercher et plus encore, de comprendre. Comme le sujet de ce papier est l’Ukraine du temps passé, mais qui trouve encore bien des échos aujourd’hui avec cette sale guerre intentée par un mégalomane en puissance, ce professeur nous fit lire : The Harvest of Sorrow de l’historien Robert Conquest.

                                                        


 Écrit il y a fort longtemps, ce bouquin implacable racontait la famine en Ukraine et comment le pouvoir stalinien, malgré cette souffrance terrible en profita pour asseoir sa puissance, au détriment d’un peuple aux abois.

George Sokoloff (1935-2015) fut un historien, économiste, spécialiste de la Russie comme il se doit. De temps à autre, je lisais ses éclairantes études dans Le Monde ou le Nouvel Observateur. Avant de disparaître, il supervisa ce recueil de témoignages, assez éprouvant, il va sans dire. 

À la fin des années 80, les journalistes L.Kovalenko et V.Maniak lancèrent un appel à témoin. Jeunes ou moins jeunes, ils demandèrent à la population ukrainienne de raconter ce que fut la famine de 1933. Ils reçurent plus de 6000 réponses, parfois des enregistrements de ceux et celles qui ne savaient pas écrire.

Ce matériau bruit de décoffrage, se manifesta par la publication d’abord en ukrainien de 450 témoignages dont nous pouvons enfin lire la traduction

Tout est dans tout

Moins arbitraire que Rober Conquest, Georges Sokoloff livre une préface tout en nuances. De la famine qui frappa des millions de gens à la Nouvelle politique économique créé par la Lénine puis plus encadré par Staline et ses commissaires, tout allait glisser vers la tragédie à grande échelle. Si la «  dékoulakisation” fut le prétexte pour ceinturer l’économie, l’appareil politique fit pire. Dans l’optique d’une centralisation, le simple paysan fut spolié du peu qu’il possédait, pour opérer une dérive vers les fermes étatiques. En cas de résistance, ce fut l’exécution sommaire ou le goulag pour des familles entières. Entre Le Yogi et le commissaire d’Arthur Koestler jusqu’au goulag de Solnenystine, sans oublier Les hauteurs béantes d’Alexandre Zinoviev, nous sommes dans le labyrinthe des âmes perdues.

Au fil des chapitres et accrochez-vous, les témoignages sont touchants, humains et parfois politiques sur cette URSS qui se vouloir la patrie des travailleurs.

80 ans après ou presque, la parole des démunis nous rappelle que les tyrans existent encore!

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023