La disparition de Josef Mengele : La traque du dernier monstre.

 

                                                        


Par Robert Laplante

Le 7 février 1979, Josef Mengele, terrible médecin du camp d’extermination d’Auschwitz, un des pires monstres de l’histoire et un des criminels de guerre les plus recherchés et les plus insaisissables se noyait après un accident vasculaire cérébral à Bertioga dans l’État brésilien de São Paulo. Son décès mettait fin officieusement à une traque internationale de 34 ans. Parce qu’elle ne s’acheva bel et bien qu’en 1985 quand on identifia sa dépouille. 34 ans de fuite de l’Allemagne à l’Argentine, de l’Argentine au Paraguay, du Paraguay au Brésil. 34 ans de méfiance, de paranoïa, de peur, de solitude et de rêves peuplés des fantômes de ses victimes.

Pendant trois ans, le journaliste français Olivier Guez s’est intéressé à cette interminable cavale. Il en tirera en 2017 un fascinant roman biographique La Disparition de Josef Mengele auréolé du prix Renaudot la même année. Un roman tellement riche et dense qu’il voyait mal comment on pourrait un jour l’adapter au cinéma, à la télé ou en BD.

                                                             


L’écrivain ne connaissait certainement pas Matz et Jörg Mailliet. Leur adaptation en bande dessinée de La disparition de Josef Mengele est une grande réussite. Quand nous sommes au fait du roman, on ne peut qu’être impressionné devant le résultat qu’ils proposent.

S’attaquer à un archétype moderne du mal comme Mengele sans ne jamais tomber dans les clichés manichéens est tout un défi. Tout comme restituer une part de son humanité sans le dégrossir. C’est exactement ce qu’avait réussi Guez dans son roman, et c’est ce qu’ont accompli Matz et Jörg Mailliet.

Ces derniers, tout comme Guez, le montrent dans toute sa complexité, son authenticité, sa solitude, sa fragilité, son obscurité inquiétante, son arrogante suffisance, ses certitudes presque religieuses sur la supériorité aryenne, son aveuglement volontaire et son déséquilibre émotionnel et physique. Son instabilité qui ne fait que prendre plus d’espace à mesure que son monde s’écroule, que ses confrères nazis périssent les uns après les autres de vieillesse, où sous les balles, des agents du Mossad et les condamnations de la justice internationale et que les dictatures sud-américaines cèdent la place à de nouvelles démocraties qui veulent liquider la présence nazie.

                                   


La disparition de Josef Mengele, se caractérise aussi par les efforts de la communauté transnationale, pour mettre la main sur ces criminels un peu trop visibles dans leurs sociétés d’accueil. Que ce soit Israël et son Mossad, les chasseurs de nazis ou encore le procureur allemand et initiateur, contre vents et marées, du second procès d’Auschwitz : Fritz Bauer. Bauer qui est d’ailleurs au cœur d’un film dont Guez a écrit le scénario The People Vs. Fritz Bauer et de l’excellent Le labyrinthe du silence.


                                      


Passionnante histoire, pleine de rebondissements, de coups de théâtre, de trahisons, d’incompétence crasse, de realpolitik ainsi que de conspirations obscures. Appuyée par le superbe trait de Mailliet, qui n’est pas sans rappeler Hugo Pratt, Cabanes et un léger soupçon de Baru, La disparition de Josef Mengele est une bande dessinée déroutante. Tellement dérangeante qu’elle se retrouve sur ma liste des 10 bédés de l’année. Inventaire que je dévoilerais lors de ma prochaine chronique.

Troublante, parce qu’elle raconte une réalité qui dépasse la fiction. Et c’est cette réalité faite de complicités, de silences, de corruptions, d’opportunisme malaisant qui la rend si nécessaire. Pour qu’on ne l’oublie jamais.

Vous ne pouvez pas passer à côté de cette BD renversante.

Matz-Jörg Mailliet, d’après le roman de Olivier Guez, La disparition de Josef Mengele, Les Arènes BD

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