Aylissa : le souffle épique des Landes perdues

 

                                                                        


Par Robert Laplante



ll y a des séries qui ne me déçoivent jamais et chaque nouvelle parution me donne envie de relire les précédentes. Nous avons : les Blueberry, Nestor Burma, Corto Maltese, les Princes de la nuit et La Complainte des Landes perdues dont le nouvel opus vient d’arriver dans nos librairies.

À chaque fois, je retrouve le même l’enthousiasme que j’avais lors de ma découverte de sa toute première incarnation dessinée par le légendaire Rosinski. Et cette nouvelle mouture Aylissa ne fait pas exception à la règle.

Tous les passionnés de bande dessinée connaissent : La Complainte des Landes perdues. Une série épique et fantastique qui raconte la lutte de Sioban, reine des Sudenne, contre le mal qui ronge ses Landes perdues. Un territoire qui sent bon le Moyen-Âge, l’Irlande et les légendes celtes.

                                                        


Le premier cycle se consacrait à la vengeance de Sioban, dont le père avait été assassiné, les deux autres remontaient aux sources du mal qui depuis toujours empoisonne les âmes et les terres de l’univers créé par Jean Dufaux. Dans ce nouveau cycle, les Sudenne, on renoue avec Sioban absente des deux antépisodes. Elle qui doit assumer son destin depuis qu’elle est devenue la reine.

Dans cette nouveauté, Sioban est devenue détentrice du Harfingg, une arme qui donne un pouvoir infini à celui qui la possède et qui peut maintenir sous son emprise le terrible dragon Niddhog. Elle doit faire face à une guerre entre le clan du Greenwald et le clan des sacrifiés. Ces derniers gardent depuis toujours les terres où ont été enfermés les dernières sorcières et le terrifiant Niddhog. Un dragon écumant prêt à en découdre avec tous les humains. Et c’est sans compter sur la cousine de Sioban, Aylissa, une assoiffée de pouvoir qui dans l’ombre tisse une toile démoniaque qui pourrait détruire la souveraine des Sudenne et son allié de toujours le sage et mystérieux Seamus.

                                                


J’aime beaucoup ces histoires au parfum de légendes où se cache un mal indicible prêt à s’immiscer dans toutes les faiblesses des hommes pour les soumettre à ses sombres desseins. J’aime ces histoires où se dressent impulsivement des héros et des héroïnes prêts à sacrifier leur confort et leur vie pour donner un avenir à leur communauté. J’adore ces alliances presque oubliées qui renaissent quand le glas du désespoir et de la mort sonne.

La Complainte des Landes perdues, c’est exactement ça. Bien sûr, d’aucuns diront qu’elle est d’une facture classique, qu’elle n’invente rien de nouveau, qu’elle reprend un schéma qu’on se raconte depuis la nuit des temps. Ils auront bien raison. Le scénariste joue sur les poncifs du genre. Pourtant, avec ses rebondissements, ses trahisons, ses coups de théâtre et ses amitiés nobles et désintéressées, la magie opère. Elle fonctionne d’autant plus que je l’ai lu 5 ou 6 fois.

C’est une bande dessinée classique dont tous les codes sont maîtrisés. Ce qui n’est pas à la portée de tous les scénaristes. On ne compte plus le nombre de bons conteurs qui se sont cassé les dents sur ce genre d’histoires. Tout est logique dans l’intrigue de Dufaux, rien n’est laissé au hasard et tous les éléments s’imbriquent les uns dans les autres, même si certains liens ne se feront que dans les prochains albums.

Mais ce qui m’a surpris le plus dans les Sudenne c’est Paul Teng. J’avoue qu’avant ce cycle je n’appréciais que timidement son dessin. Mais à sa décharge je l’ai connu à l’aube du changement de millénaire et dans les premières années du nouveau siècle. À l’époque où il mûrissait Shane et L’Ordre impair, où son trait était moins assuré, plus imprécis. Une période où il se cherchait encore.

Avec sa Complainte des Landes perdues, il nous propose un dessin mature, puissant, tout en muscle, en furie, en sauvagerie et en violence. Un trait expressif et héroïque qui sied tout à fait à ces personnages plus grands que nature, façonnés par l’âpreté des Landes perdues, la vie impitoyable, la séduction de l’orgueil et la démesure de ces âges farouches. Teng illustre avec brio, à la suite de Rosinski, du regretté Delaby et de Tillier cette histoire de bruit, de frénésie, de cris et de sang. Et il ne faudrait pas passer sous silence les couleurs de Bérengère Marquebreucq qui traduisent parfaitement ce monde désespéré, triste et pluvieux.

Classique oui, mais pourquoi se passer d’un tel plaisir.

Dufaux, Paul Teng, La Complainte des Landes perdues, cycle Les Sudenne, tome 2 Aylissa, Dargaud

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