La mort de Spirou : Parce qu’il faut bien mourir un jour

 

                                                                 


Par Robert Laplante

Oh mon Dieu, Spirou est mort! Enfin, présumé mort parce qu’on n’a pas encore retrouvé son cadavre. Mais bon, quand on coule au fond de la Méditerranée d’habitude, nous n’avons pas beaucoup de chances d’en revenir vivants. Remarquez, si Bob Morane et Superman sont morts, tous les héros peuvent mourir. Mais je reconnais que c’est inimaginable de réaliser que notre groom préféré ne sera plus avec nous.

                                         


C’est la voie risquée, qu’Abitan, Guerrive et Schwartz empruntent dans La mort de Spirou, 56e aventure du célèbre groom et de l’ineffable Fantasio. Pas si risqué que, ça me direz-vous. En tout cas pas, autant que lorsque DC à fait disparaître l’iconique Superman en 1992 ou Henri Vernes son commandant Morane en 1959. Il faut quand même vouloir. Pas certain que moi je le ferais.


                                    


Dans ce nouvel opus, aux sonorités des mythiques années 50, le tandem enquête sur la résurrection de la cité sous-marine de Korallion. Une cité qu’ils avaient déjà visitée dans Spirou et les hommes-bulles. Vous vous rappelez à la recherche du terrible John Héléna dit La Murène, ils avaient trouvé sur leur chemin Herbert d’Oups, un machiavel qui rêvait d’une cité sous-marine loin des tribulations de la si décevante surface. Un mégalomane proche du Karl Stromberg de L’espion qui m’aimait, 10e opus des aventures cinématographiques de James Bond, mais en moins psychopathes bien sûr.

                                                  


Herbert d’Oups n’est plus, et c’est sa fille Korallie qui a pris la relève. Cette dernière veut modifier le rêve du paternel et transformer l’oasis sous-marine en une attraction touristique à la portée de toutes les bourses. Pourtant, derrière les belles promesses de Korallie d’Oups, se cachent des desseins beaucoup plus sombres et opaques. Décidément ce n’est pas parce qu’on est dans le monde du silence méditerranéen que les notes séduisantes des trompettes de la duperie ne se font pas entendre. Une chance pour nous Spirou veille au grain même si ça doit lui coûter la vie.

Bande dessinée rétrofuturiste qui métisse adroitement la grande époque de l’École de Marcinelle Charleroi à une narration, des préoccupations et des personnages secondaires résolument modernes, ce qui était déjà dans l’ADN du Spirou de Franquin, La mort de Spirou est une bande dessinée pleine d’entrain et de plaisir.

                                   


Le rythme est absolument délirant. Il n’y aucun temps mort dans le scénario d’Abitain et de Guerrive ou tout se bouscule. Une véritable course poursuite dans une turbotraction qui roule à tombeau ouvert de la première à la dernière page. Et que dire du dessin nerveux de Schwartz, au parfum de l’enthousiasme, trait débridé d’Yves Chaland, qui sied à merveille à cette narration qui ne nous laisse pas souffler une minute.

Le trio de bédéiste connaît manifestement l’univers de Spirou. Les trois acolytes sont si à l’aise dans cette histoire que graphiquement, ils m’ont ramené à mes 10 et 11 ans, quand je parcourais une fois par semaine les rayons de la bibliothèque publique de mon quartier à la recherche de Spirou ou Gaston de Franquin. Une quête nécessaire puisque mon pote de l’époque, qui lui les avait tous, refusait de me les fournir. Je le comprends, ça ne se prête pas un Franquin.

Et puis il y a aussi tous ces amusants clins d’œil aux personnages qui animaient la rédaction «franquinienne». Comme si le trio me faisait des cadeaux. Des petits présents qui m’ont permis l’espace d’un instant de renouer avec tout ce qui me faisait craquer dans ses péripéties.

Si c’est le chant du cygne de Spirou, on ne pouvait rêver d’un meilleur adieu. Si ce ne l’est pas, j’ai déjà hâte de lire la suite.

Après tout si Superman est revenu et si Bob Morane a repris du service dans Le châtiment de l’Ombre Jaune, il n’est pas impossible que Spirou se pointe à nouveau lui aussi le bout du nez pour une nouvelle grande aventure.

V ces héros traditionnels en ont vu de bien pires. Alors ce n’est pas un petit plongeon de la Méditerranée qui devrait venir à bout de Spirou… Enfin, espérons-le.

Abitan, Guerrive, Schwartz, La mort de Spirou, Dupuis.

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