Huit heures à Berlin : La plus cachée des conspirations.

 





Par Robert Laplante

Parmi les 10 théories du complot les plus populaires aux États-Unis, il y en a une qui bon an mal an caracole toujours en première place : l’assassinat de John F Kennedy. Mais je ne sais pas si elle va occuper la première place encore longtemps avec les surprenantes révélations que font Bocquet, Fromental et Aubin à propos d’une autre conspiration contre Kennedy.

Avant le fatal 22 novembre 1963, il y a eu le 26 juin de la même année. Qu’est-ce qui s’, est passé de si dramatique? Ce fut la journée où le Président prononça son fameux «Ich bin ein Berliner», dans un Berlin-Ouest défiguré par un mur qui le sépare de sa partie orientale d’obédience communiste. Un Berlin divisé, jouet, tout comme le reste de l’Allemagne, d’une silencieuse guerre d’influence entre Américains et Soviétiques.

Cette journée du 26 juin, John F Kennedy a failli être enlevé puis remplacé, par un clone. N’eût été la pugnacité, la ténacité et le sens aiguisé de l’observation de Philip Mortimer et de Francis Blake, l’histoire contemporaine aurait été complètement différente. Une conspiration totalement machiavélique que seuls un maître de la fourberie, un expert de la manipulation et une représentation du mal incarné pouvaient imaginer. Un personnage comme Olrik par exemple.

Ce nouvel album de Blake et Mortimer Huit heures à Berlin est une bédé de haut vol qui, pour l’instant, trône en haut de mes bédés de l’année. Une histoire haletante, sans temps mort et parfumé aux romans de John Le Carré,

                                                         


 Graham Greene 

                                                     


et autre Robert Littell.


                                                     


Dire que je suis enthousiaste est un euphémisme. Je l’ai littéralement englouti d’une seule traite. Ce qui est plutôt rare parce que j’aime bien prendre mon temps quand je lis un Blake et Mortimer. Ce fut impossible de quitter l’album, ne serait-ce qu’un instant. Je l’ai dévoré comme ce fut le cas avec : Le troisième homme de Greene, La compagnie, le grand roman de la CIA et le Philby : Portrait de l’espion en jeune homme de Littell et le Miroir aux espions de Le Carré. Avec le même ravissement, le même plaisir et la même ferveur.

Il faut dire que José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental savent très bien jouer avec les codes du roman d’espionnage. Ils maîtrisent à merveille l’univers «jacobiens» et connaissent sur le bout des doigts l’Europe de la guerre froide, du moins celle des décennies 50 et 60. C’est d’ailleurs cette grande connaissance qui leur permet d’intégrer aussi adroitement l’actualité politique et les notions historiques et scientifiques à la nébuleuse Blake et Mortimer.

Avec le résultat, que j’en suis ressorti le souffle coupé de cette bédé, impressionnée par son intelligence, son intrigue, son rythme et sa tension qui augmente page après page.

Mieux encore, les deux scénaristes m’ont totalement berné, puisque même si j’avais démasqué l’objet de la conspiration je n’avais pas, mais vraiment pas du tout, perçu sa forme. Et ça c’est génial, parce que des films, des bouquins et des bédés sur des complots j’en ai lu et j’en ai vu des tonnes. J’ai le flair pour découvrir leurs mécanismes. Mais là j’avoue que je n’ai rien vu venir. Chapeau les gars.

Et que dire du dessin d’Aubin, qui comme à son habitude est d’une efficacité redoutable, sans trait inutile, entièrement dédié à un récit qui roule à tombeau ouvert sur 64 pages. Manifestement les trois ont du plaisir ensemble. Ils se complètent à merveille et sont, tout au long de l’album, sur la même longue d’onde. Mais est-ce que c’est l’onde Septimus? Ça, je ne saurais vous dire. Quoique l’ombre de ce bon vieux Septimus continue d’empoisonner la vie de nos deux héros. Il y a des fantômes qui sont plus difficiles à se débarrasser que d’autres.

Je ne suis pas très objectif, étant un admirateur inconditionnel de Bocquet et de Fromental, deux très grands scénaristes. La guerre froide et l’Allemagne de cette période me fascinent aussi beaucoup. Et, je ne suis pas insensible au charme graphique et narratif de Blake et Mortimer. Ce nouvel opus est tout simplement irrésistible. Le genre de bédé que je vais relire plusieurs fois avec, le même plaisir et le même ravissement. Si je faisais du cinéma et que je devais adapter un Blake et Mortimer jusqu’à lundi dernier j’aurais fait La marque jaune. Mais depuis c’est plutôt vers Huit heures à Berlin que je me tournerais.

Assez d’éloges pour cette bande dessinée qui m’a réjoui. C’est maintenant à vous de la découvrir. Moi j’ai déjà hâte de l’oublier pour la relire et goûter à nouveau sa subtilité

José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental, Antoine Aubin d’après les personnages d’Edgar P Jacobs, Huit heures à Berlin, Blake et Mortimer

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