L’Université des chèvres : L’école est morte, vive l’école.

 

                                                           


Par Robert Laplante

Ah l’école. On a beau la détester, lui préférer la buissonnière ou celle de la vie, il reste qu’elle est essentielle. Ne serait-ce que pour acquérir les connaissances nécessaires à notre autodéfense intellectuelle. Ce n’est pas pour rien que les obscurantistes de tout acabit et leur clergé, religieux ou laïcs, veulent constamment et, depuis l’aube des temps, la museler, la martyriser et la contrôler. L’école dérange encore aujourd’hui. Surtout quand elle enseigne des compétences qui ne sont pas toujours celles préconisées par les pouvoirs en place.

Fortuné Chabert et Sanjar font partie de ceux qui expliquent ces compétences contestées. Enseignants itinérants, ils parcourent les villages perdus et les hameaux isolés, au cœur des montagnes, pour apprendre aux gamins l’orthographe, les mathématiques et la lecture de livres qui ne font pas toujours l’affaire des autorités officielles ou non.

                                                


Le premier arpente, à la fin du XIXe siècle, les sentiers de la France alpine alors que le second, lui, le fait dans l’Afghanistan du début du millénaire. Plus précisément dans l’Afghanistan «libéré» par l’OTAN, mais toujours harcelé par des talibans qui rêvent de reprendre le pouvoir.

Entre les deux instituteurs itinérants, il y a : Arizona Florès. Jeune journaliste américaine et descendante de Fortuné Chabert, qui dans le cadre d’un reportage part à la découverte de l’Afghanistan profonde, loin de Kaboul. Sur le terrain, elle est accompagnée de Sanjar, un ancien professeur itinérant devenu guide et fixeur pour les journalistes internationaux. Il faut bien gagner sa vie, surtout quand les Talibans empêchent les enfants et particulièrement les jeunes filles d’avoir accès à l’éducation.

                                                 


Nouvelle bande dessinée de Christian Lax, dont j’avais beaucoup aimé son Choucas et ses Oubliés d’Annam, L’Université des chèvres est une lettre d’amour envers l’école et tout ce qu’elle apporte ainsi que le rôle fondamental des enseignants. Un vibrant plaidoyer sur l’importance de sacraliser les écoles pour que les folies du monde extérieur ne l’atteignent pas, pour qu’elle cesse d’être un terrain où s’affrontent les idéologies. Pour que ce lieu de savoir demeure un havre de connaissance où on peut goûter l’immense plaisir de découvrir et d’apprendre sans risquer sa vie.

Marqué, enfin, j’imagine, par les nombreuses tueries dans les écoles américaines des dernières années, Lax propose un récit qui tient à la fois de la saga familiale et du cri d’amour pour l’école. Une chronique qui toutefois aurait eu plus d’impact si l’arrimage entre les récits de Fortuné et de Sanjar avait été plus réussi. Comme si le bédéiste avait prévu deux tomes et qu’au final l’éditeur ne lui en avait accordé qu’un.

                                             


J’ai eu l’impression que le dessinateur/scénariste était un peu coincé par le nombre de pages. Qu’il ne parvenait pas à développer ses deux histoires et qu’il peinait à installer le rythme nécessaire pour bien faire respirer son univers. C’est sans doute pourquoi. j’ai trouvé que certains événements étaient un peu précipités et que les conclusions de chacun des récits étaient un peu abruptes. Peut-être qu’il aurait fallu faire deux tomes. Un consacré à Fortuné et un autre à Sanjar.

Si le récit de Fortuné est intéressant, c’est vraiment avec celui de Sanjar que j’ai senti Lax le plus à l’aise scénaristiquement et graphiquement. Il s’est donné la permission de faire respirer son petit monde, de le faire vivre au rythme lent de ses géants de roc qui nous observent avec indifférence, que la seconde de la bande dessinée me paraît plus réussie. Même si conclusion m’a semblé trop précipitée.

                                                    


Malgré son inégalité, j’ai beaucoup aimé L’université des chèvres Son message sur l’importance de l’école et l’apport fondamental à notre croissance ainsi qu’à à notre liberté. Ce qu’on a tendance à oublier ici, tant nous sommes pris dans le tourbillon du clientélisme scolaire. C’est que la connaissance doit servir notre carrière et ne pas heurter nos certitudes presque religieuses.

Christian Lax, L’Université des chèvres. Futuropolis.

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