Les Pionniers. Les aventuriers du 7e art.

 

                                                          


Par Robert Laplante.

Pendant qu’il fait trop chaud l’été, et Dieu sait qu’il va y en avoir des canicules dans les prochaines années, rien ne vaut une petite halte fraîcheur dans un cinéma pour visionner un film. C’est même un des plaisirs de la vie. Du moins un des miens. Quand l’écran s’anime, on ne pense pas généralement à cette histoire du 7e art qui est bien souvent aussi passionnante, sinon plus, que les p’tites vues elles-mêmes.

Les pionniers, un excellent diptyque dessiné signé Guillaume Dorison, Damien Maris et Jean-Baptise Hostache, s’intéresse à cette histoire. Particulièrement à sa naissance et à ses premiers fous de la manivelle. Pas ceux de l’Amérique, ça serait trop facile. Non, ceux de l’Hexagone dont Léon Gaumont et Charles Pathé qui concerne le trio. Gaumont et Pathé, deux frères ennemis qui veulent tellement se détruire que leurs interminables querelles auront empêché la France de garder sa position de meneur mondial de l’industrie cinématographique. Une place qu’elle occupait dans les glorieuses années de la naissance du cinéma.

Si le premier tome racontait les balbutiements hésitants de cette industrie commençante où s’imposaient les Pathé, Gaumont, Méliès et Alice Guy, le second et dernier tome, lui, se consacre à l’aventure américaine de Pathé et de Gaumont. Une histoire qui dérange un certain Thomas Edison qui rêve d’édicter son monopole un peu partout dans l’occident.


                                           


On se rappelle que le premier album se terminait par le dramatique incendie mortel, du Bazar de la Charité. Une tragique catastrophe qui loin de mettre fin au cinéma va plutôt encourager Gaumont et Pathé à se livrer une véritable guerre industrielle entre eux. Un affrontement sans limite où tous les coups sont permis, même les plus vicieux. Et tant pis si au passage, ils doivent sacrifier leurs anciens collègues sur l’autel de leurs ambitions démesurées.

                                                


Je ne sais pas combien de fois je l’ai écrit, mais j’aime le cinéma. J’adore les anecdotes de production tout comme son histoire. J’affectionne ses débuts quand il était encore hésitant, que tout était à inventer et que nous commencions à peine à percevoir ses immenses possibilités. Cette période où le développement technologique rapide rendait obsolète tout ce qui avait été tourné la veille. Il y a une folie dans cette mémorable époque qui m’émerveille.

                                                   


Avec Les pionniers j’ai été admirablement bien servi. J’y ai recouvré tout ce que j’aime tant dans l’histoire du cinéma. Mais, j’y ai surtout retrouvé la passion de ces artisans prêts à tout pour imposer leur vision dans une jungle anarchique de plus en plus contrôlée par des hommes d’affaires qui y flairent l’odeur du pognon. Un environnement sans foi ni loi qui les broie, les avalent, les digèrent et les rejettent comme de vieilles épreuves de tournage sans valeur. Ces Georges Méliès, Max Linder, Louis Feuillade, Alice Guy, immenses artistes, véritables vedettes à leur époque et innovateurs sans qui il ne serait jamais devenu ce qu’il est, qui inexorablement sombreront dans les méandres obscurs de l’amnésie cinématographique des spectateurs de l’après Seconde Guerre mondiale.

                                                   


Dorison, Guillaume et non pas son frère Xavier proposent une histoire inspirante et fascinante. En misant sur le féroce duel entre Pathé et Gaumont, deux géants pleins de vie, sanguins, impulsifs, ambitieux, opportunistes et quelques fois de mauvaise foi, il élabore une surprenante saga à hauteur d’homme, celle de la professionnalisation du cinéma fait de tâtonnements, d’essais et d’erreurs.


                                   


Je suis amoureux fou du cinéma comme : Maris, Dorison et Hostache j’imagine. Il faut l’être pour écrire cette sympathique lettre d’amour au 7e art. Une lettre qu’il faut lire en même temps que la magnifique et indispensable Alice Guy de José-Louis Bocquet et de Catel.

Je vais penser à tous ces grands artistes, disparus de nos mémoires aujourd’hui, quand je me dirigerais, dans quelques minutes, vers une salle obscure pour y renouveler mon affection pour le 9e art.

Dorison, Maris, Hostache, Les pionniers, deux tomes, Rue de Sèvres.

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023