Le pasteur sanglant : un petit soda avec ça.

                                                       


Par Robert Laplante

Eh ben, pour un retour c’est en tout un. Alors qu’on ne l’attendait plus, suite à la mort de Tome, Soda, cet inspecteur new-yorkais déguisé en pasteur, fait de nouveau parler de lui. Qui a dit que les personnages de bd ne devaient pas survivre à leurs créateurs ?

New York, quelque part dans la décennie 80. c’est la folie babylonienne. Ce fut les années où Donald Trump s’imposait comme modèle de l’homme d’affaires à succès. Celles où les Yuppies devenaient les maîtres du monde pour reprendre l’expression de Tom Wolfe dans son Bûcher des vanités. Où les excès de l’hyper opulence décomplexée et du libéralisme « reaganien » d’une infime minorité, plongeaient dans la pauvreté la plus épouvantable la majorité.

La ville qui ne dort jamais et aux prises avec un nouveau tueur en série qui s’en prend aux prostituées. Un tueur qui pour les approcher se déguise en homme d’Église. Malgré toutes ses précautions, le tueur commet une erreur, il laisse en vie une victime. Elle identifie rapidement Soda comme son agresseur. Soda, un nouveau Jack L’Éventreur ! Impossible, ça ne tient pas la route.

                                            


On a quand même retrouvé sa croix entre les doigts d’une trépassée. De plus il souffre de problèmes psychologiques. Au point, où il rencontre régulièrement un psychologue. Des rendez-vous dont il ne garde toutefois, aucun souvenir. Et puis il y a ces terrifiants cauchemars qui le hantent chaque nuit. De quoi faire douter n’importe quel flic du plus stupide au plus intelligent. Pour Soda, commence alors le combat de sa vie. Mais comment mener une enquête quand on est soi-même le principal suspect ?

Comme réapparition sur la planète BD, on peut dire que Soda a frappé fort. Avec le retour graphique de Gazzotti et la présence d’Olivier Bocquet, un scénariste à la palette variée qui sait à chaque fois me surprendre agréablement, le nouvel opus avait tout pour me plaire.

                                                


Je dois avouer qu’avant de le lire en album, je m’en étais délecté en prépublication dans le journal de Spirou. Je peux vous garantir que ça faisait un bail que je n’eusse pas été aussi impatient de recevoir mon Spirou hebdomadaire. Chaque fois que le facteur me le livrait, je me jetais tout de go sur cette récente mouture de mon vieux pote de papier.

Si j’ai autant accroché, c’est parce que Bocquet a renoué avec succès avec la grande tradition du feuilleton bédé. Avec ses rebondissements, ses coups de théâtre et son humour noir, il gardait constamment mon attention et me donnait toujours envie de lire. Ce qui n’est pas toujours les cas des autres BD proposées dans Spirou.

                                          


Le rythme en feuilletons tient aussi bien la route dans l’album que dans la revue. De page en page, le scénariste tisse une toile irrésistible dans une ville qui ne dort jamais, glauque, sale, inquiétante, où le crime est à chaque coin de rue. Le New York d’avant le grand coup de balai « rudygiulianesque » des années 90.

Très respectueux de la narration « tomesque », Bocquet insuffle à son scénario un peu du rythme du Gil Jourdan de Tillieux. J’ai retrouvé dans cette nouvelle enquête les éléments qui me plaisaient tant dans les vieux Spirou des années 60 et 70 dont j’avais hérité plus jeune. Avec en prime les parfums sombres et plus psychologiques des polars des années 80.

                                        


Si le nouveau Soda se laisse déguster avec autant de plaisir, c’est aussi grâce au travail de Gazzotti. Son trait rythmé et élégant et sa mise en scène puissante et aérée donnent une efficacité incroyable à un scénario déjà diablement solide. Dès la première case, on sent, pour notre plus grand bonheur, la chimie et le plaisir entre les deux bédéistes. Visiblement, le dessinateur avait envie de retrouver Soda. Tout comme Bocquet avait envie de s’y frotter.

Espérons maintenant que Soda reviendra parmi nous plus souvent.

Bruno Gazzotti, Olivier Bocquet, Soda le pasteur sanglant. Dupuis

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