Sépher, un rendez-vous biblique avec l’histoire

 

                                                         


Par Robert Laplante

La Bible me fascine. Pas tant pour ce qu’elle raconte que pour ce qu’elle a vécu et traversé. Une fabuleuse histoire, riche, qui mérite de faire l’objet d’un livre ou d’une BD. Comme Sépher, l’épopée millénaire de la Bible signée Éliette Abécassis et Néjib que les éditions Albin Michel ont publié au printemps.

Qu’on l’aime ou pas, la Bible est quand même un texte sacré pour près de 3 milliards d’êtres humains. C’est aussi le cœur de deux des grandes religions du livre, même si la chrétienne diffère en partie de la judaïque et une des influences majeures d’une troisième : l’Islam. Bref, le livre le plus lu de l’Histoire. Aussi, le plus controversé, le plus attaqué et le plus brûlé, victime des intégristes de tout acabit qui s’en servent soit pour contrôler les autres, soit pour justifier les facettes les plus sombres de la psyché humaine. En son nom, on a fait le meilleur comme on a fait le pire.

Si le livre est fascinant, son histoire l’est encore plus. Et qui de mieux pour la raconter qu’un tandem issu de deux cultures différentes, mais influencées par elle. Néjib est un bédéiste franco-tunisien connu pour Stupor Mundi et pour ses deux collaborations à Jhen Le procès de Gilles de Rais et Jeanne des Armoises, dessinées par Jean Pleyers.


                                      


                                 


Éliette Abécasssis, quant à elle, est l’autrice de l’excellent trhiller historico-religieux Qumran, dont il existe une adaptation bédé. Mais elle ne se résume pas qu’à ça. Elle est aussi réalisatrice, scénariste, parolière, pour Enrico Macias (Debout sur le zinc), ainsi que professeur de philosophie à l’université de Caen-Normandie. De confession juive séfarade, elle s’intéresse depuis toujours au livre saint. Un peu normal, puisqu’elle est la fille d’Armand Abécassis, professeur honoraire de philosophie générale et comparée à l’université Michel-de-Montaigne et grand connaisseur de la Bible.

                                                   


Paris, début du XXIe siècle, Éliette rend visite à ses parents. Encore une fois son père est isolé dans son bureau à faire, je ne sais quel travail aussi minutieux que mystérieux. Le vénérable professeur s’est mis en tête de retranscrire sur des parchemins la totalité du livre des livres. Une nouvelle lubie un peu étrange. D’autant plus que des Bibles, il en possède une kyrielle et de toutes les provenances.

En le regardant recopier, comme un orfèvre, chacun de ses mots, chacune de ses phrases, chacune de ses pages, l’autrice ne peut s’empêcher de penser à ces milliers de scribes qui avant son père ont reproduit les mêmes gestes et de traverser les siècles et les épreuves.

Ce soir-là dans l’intimité familiale, Armand entreprend de lui conter la plus grande histoire : celle de cette « parole de Dieu » et de tous ceux qui ont risqué leur vie pour sa protection et sa sauvegarde. De l’alliance avec Dieu au cauchemar nazi en passant par la destruction du temple, l’inquisition et les autres outrages qu’on lui a infligés, Armand raconte cette histoire biblique plus incroyable que son contenu.

                                         


J’aime beaucoup l’histoire de la Bible. Tout comme ce qui touche à son archéologie. J’apprécie aussi beaucoup les romans d’Éliette Abécassis. Son Qumram m’avait énormément plu et je garde encore aujourd’hui un mémorable souvenir dans notre rencontre au Salon du livre de Montréal il y a un bail de cela. Alors il était évident que cette bande dessinée avait tout pour me convenir.

Tout et pas assez en même temps. L’idée est passionnante, très captivante même. Mais malheureusement, les auteurs ne sont pas allés au bout de leurs ambitions. Comme si le nombre de pages les avait condamnés à ne pas explorer en profondeur tout le potentiel narratif de cette histoire biblique.

Les événements qu’ils racontent sont franchement intéressants. Assez du moins pour que je me sente un peu contrarié à la fin de chaque chapitre. Frustré parce que j’aurais souhaité en savoir plus. Mais tout se déroule trop vite, le scénario manque de respiration, les personnages sont à peine esquissés et le récit aurait pu être plus développée.

.

Pourtant je l’ai aimé ce Sépher mais j’aurais en aurait goûté un peu plus. J’aurais voulu en refermant la dernière page, avoir le sentiment que tout avait été dit, que tous les autres mots auraient été inutiles. Comme je l’avais été en lisant Qumran ou l’adaptation bédé de Sapiens par exemple.

Peut-être que résumer son parcours hors du commun en un seul tome était une folie et qu’il aurait fallu plus d’albums pour traduire l’immense richesse de son épopée. Peut-être.

Dommage, j’aurais bien aimé un rendez-vous historique plus exceptionnel. Mais un bon rendez-vous vaut quand même mieux qu’un mauvais.

Éliette Abécassis, Néjib, Sépher l’épopée millénaire de la bible, Albin Michel.

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023