La vie secrète des écrivains : Meurtres au paradis

                                                                

Par Robert Laplante

La vengeance est un plat qui se mange froid, dit le vieil adage, et dans certains cas, très froids. Parfois, elle se déguste aussi à plusieurs comme dans Le crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie ou : Dans La vie secrète des écrivains de Guillaume Musso, que Miles Hyman vient d’adapter en roman graphique. Une adaptation exceptionnelle, faut-il préciser. Toutefois, si dans le roman d’Agatha, la finale était finement planifiée, ce n’est pas du tout le cas ici. Elle est beaucoup plus improvisée et sans concertation entre ses différents acteurs.

                                        

Raphaël Bataille rêve de devenir écrivain depuis toujours. À la fin de son adolescence, sa petite amie lui a donné en guise de cadeau de rupture, quelle étrange idée : Les foudroyés de Nathan Fawles. Un prodige de l’écriture qui après avoir été célébré par le gotha littéraire s’est soudainement terré dans une villa perdue. Sur les côtes de l’île de Beaumont, un paradis baigné par le soleil, la lumière et la Méditerranée.

À la suite de plusieurs refus d’éditeurs, Raphaël se rend sur l’île de Beaumont pour rencontrer son idole et qui sait peut-être lui soutirer quelques conseils de rédaction ou mieux encore une critique de ses textes. Mais voilà, comme Salinger, Fawles a fui le monde et vit en reclus. Mais à la différence du père d’Holden Caulfield qui continuait à écrire, Fawles lui a véritablement tout abandonné.

                                 

Il n’y a pas que Bataille qui s’intéresse à l’écrivain ermite, il y a aussi Mathilde Money, une journaliste qui vient de débarquer pour le rejoindre. Elle compte l’appâter avec un appareil photo, perdu depuis très longtemps, qui contient certaines photos qui pourraient l’intéresser, dont celle d’une femme qui vient d’être sauvagement assassinée sur l’île paradisiaque.

Mais Beaumont a beau être un eldorado, elle cache, sous son soleil resplendissant de sombres inconnues. De ces mystères, qui après avoir rongé l’âme des gens ne demandent qu’à sortir au grand jour. Et ce n’est pas parce qu’on est un énigmatique écrivain solitaire qu’on est immunisé contre ces confidentialités inavouables.

                          

Guillaume Musso est un des auteurs français les plus populaires des dernières décennies. Et on comprend pourquoi avec La vie secrète des écrivains. L’Antibois est un sacré raconteur, un véritable maître ès ambiance et un roi du tourneur de pages.

Le locataire régulier de la position de tête des meilleurs vendeurs de la francophonie européenne propose ici une intrigue haletante à l’atmosphère mystérieuse. Un roman policier où sont disséminés sur les sentiers sinueux de l’île des indices et des révélations qui n’ont cessé de déjouer mes certitudes de vieux lecteur de polars.

Si l’histoire de Musso est autant réussie et hypnotique, c’est aussi grâce à l’immense savoir-faire d’Hyman. Avec son trait impressionniste et limpide, le dessinateur transforme ce paradis insulaire en un piège infernal où se terre, dans les anfractuosités des falaises, un mal indicible.

                                 

J’aime beaucoup les bédés d’Hyman, un des plus talentueux des dernières années. Je suis toujours impressionné par chacune de ses publications. Mais Il y a un petit quelque chose de plus dans cette nouvelle bande dessinée que je suis incapable d’identifier et qui m’a littéralement scotché. Un petit parfum lumineux, séduisant et anxiogène qui m’a rappelé le Jacques Loustal que j’avais tant prisé dans Barney et la note bleue. Comme si le soleil assombrissait encore plus les drames.

Je n’ai jamais oublié ma rencontre avec Barney et la note bleue

                                                

et manifestement dans quelques années je pourrais dire la même chose de cette Vie secrète des écrivains.

Guillaume Musso, Miles Hyman. La vie secrète des écrivains. Calmann Levy grahic