Rivages lointains : Parle plus bas car on pourrait bien nous entendre.

 

                                                           


Par Robert Laplante

Ouf, il a fait chaud ces dernières journées. Mais pas autant que Jules Tivoli, Adam Czar et Bruce J Hawker qui eux sont littéralement sur le grill.

Rivages lointains : Une étoile sombre est née.

Remarquez, c’est presque normal pour Jules Tivoli et Adam Czar. Être homosexuel dans le milieu interlope chicagolais et New-Yorkais du début du siècle dernier, ça ne devait pas être la position la plus avantageuse et sécuritaire.

                               


Séduit par le charisme d’Adam Czar, un caïd de la pègre de Chicago, Jules Tivoli, un jeune immigrant italien de 17 ans, se laisse entraîner par amour sur les sombres chemins empruntés par les membres du syndicat du crime.

Czar voit en son jeune protégé, le sésame qui pourra lui permettre de se rapprocher des grandes familles mafieuses new-yorkaises. Avec ses origines polonaises. Czar à peu de chances de se voir confier des postes décisionnels importants. Mais Jules, son amant, lui, il en a des racines italiennes. Mais pour cela, il faut que leur amour reste secret. Ça ne pardonne pas l’homosexualité dans la Cosa Nostra.

                                      


Le plan de Czar se déroule à merveille et tranquillement, Jules réussit à gravir les échelons qui mènent vers le sommet de la pyramide interlope. Aveuglé par sa passion et sa dépendance affective envers son compagnon, Jules devient le parfait soldat pour l’ascension de l’ambitieux Czar.

Mais, les bons schémas ne marchent qu’un temps. Pour Czar, tout se détraque quand son amant commence à se poser des questions sur son pygmalion. Et s’il n’était qu’un pion dans la quête insatiable de pouvoir du Polonais ?

                                      


Excellente saga mafieuse, Rivages lointains est une bédé surprenante. Anaïs Flogny a réussi à me captiver avec un sujet que je croyais déjà connaître avant même d’ouvrir cet inédit. Il faut formuler qu’en explorant les relations homosexuelles mafieuses, l’autrice éclaire, sous un angle nouveau, un milieu étudié sous presque toutes ses coutures.

L’intérêt de Rivages lointains repose aussi sur la dynamique mise en page aérée et le trait économe séduisant. Efficace et rythmée, la bédéiste donne au récit la respiration nécessaire pour faire vivre son petit théâtre criminel. Sans ne jamais tomber dans l’esbroufe, elle adopte le ton parfait pour raconter cette histoire faite de silences, de non-dits, de chuchotements, de secrets et de discrétion.

« Parle plus bas, car on pourrait bien nous entendre » chantaient Raymond Berthiaume, Dalida et Andy Williams. À croire que la chanson composée par Nito Rota pour Le Parrain le fut aussi pour Rivages lointains.

                                    




L’œil du marais : Le retour de celui qu’on n’attendait plus.

Bruce J Hawker va avoir chaud, comme s’il était en enfer.

Créée en 1976 par William Vance, Bruce J Hawker regagne la mer après une pause de presque 28 ans. C’est une reprise très honorable, une sympathique bande dessinée maritime au parfum de Robert Louis Stevenson.

Aux commandes du Lark le lieutenant Hawker, un officier de la Royal Navy, au passé trouble, doit rejoindre l’Angleterre pour faire réparer son navire. Mais, la mer est rarement calme quand le lieutenant y navigue. Comme à son habitude, il se retrouve vite au cœur d’une aventure qu’il n’avait pas prévue.

                                       


Attaqués par un navire espagnol et frappés de plein fouet par une terrible tempête, Hawker et son équipage, du moins ce qu’il en reste, sont sauvés in extremis par un voilier aux couleurs des Templiers. Malheureusement ce sauvetage à un prix et les membres du Lark devront, malgré eux, participer à une folle quête : celle du trésor des Templiers.

Bon je l’avoue, je n’appréciais que timidement Hawker. J’en avais bien lu quelques pages ici et là, mais le déclic ne s’était jamais fait. Surprenant pour un lecteur qui adore les histoires maritimes. Pour moi, Vance, c’était avant tout Bruno Brazil, XIII et Bob Morane. C’est Patrick Gaumer qui m’a convaincu dans son excellente monographie sur William Vance de lui porter plus d’attention.

                                       


Alors quand j’ai vu que Christophe Bec, un scénariste que j’aime beaucoup, lui redonnait vie, j’ai eu envie de lui donner enfin une chance. Au cas où… je dois me réjouir de ma décision, parce que j’y ai pris beaucoup de plaisir. Bien sûr la narration est classique, Bec ne réinvente pas le genre, mais son récit est fonctionnel, haletant et truffé de surprises qui insuffle une bouffée de vent frais à un univers qui sent un peu le renfermer. Et puis avouons-le, la présence des Templiers n’était pas pour me déplaire.

                                     


Illustré efficacement par Puerta, même si son trait un tantinet statique tranche avec la souplesse de celui de Vance, L’œil du marais est un prononcé agréable qui vaut le détour.

J’ai bien hâte de la lire la suite.

Anaïs Flogny, Rivages lointains, Dargaud

Puerta, Bec, d’après les personnages crées par Vance, Les nouvelles aventures de Bruce J Hawker, tome 1 L’œil du marais, Le Lombard.

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