Une histoire du débarquement : Normandie-Provence, les jours les plus longs.

 

                                                   


Par Robert Laplante

Le 5 juin 1944, entre 23 h et minuit, 3 divisions aéroportées, la 6e britannique et les 82e et 101e américaines, décollèrent de l’Angleterre. 3 divisions aéroportées qui devaient rejoindre la Normandie pour préparer le terrain au plus important débarquement du XXe siècle.

                                  


Si le débarquement du 6 juin 1944 était une pièce essentielle pour mettre fin à la terreur nazie, il ne fut quand même pas le seul. D’autres débarquements ont aussi joué des rôles importants que l’on a peut-être eu tendance à oublier.

                                


Ce sont ces débarquements que racontent : Isabelle Bournier, Emmanuel Marie, Katia Bauman, Paul Gros, Chiara Di Francia, Antonino Cosentino, Domenico Carbone, Riccardo Faccini, Thomas Balard, Valette et Andrea Olimpieri dans leur intéressante bédé Une histoire du débarquement Normandie-Provence publiée aux Éditions Petit à Petit.

                                        


De Dunkerque à la Provence, en passant par Dieppe, l’Afrique du Nord, la Sicile et bien sûr la Normandie, les auteurs se passionnent pour tous ces assauts qui ont permis de repousser l’armée allemande. Les deux scénaristes explorent aussi leur préparation, la propagande, les opérations d’intoxication, le vol des plans du mur de l’Atlantique, la résistance et les populations locales qui doivent continuer à vivre dans ces régions ravagées par la férocité des combats.

                                   


Pour une rare fois, le Canada et le Québec ne sont pas absents. Un chapitre est consacré au désastre de Dieppe. Un autre à la rencontre de Québec où un des leaders alliés avait oublié les plans du débarquement sous une table du Château Frontenac. Et un dernier à Marcel Ouimet, légendaire correspondant de guerre, qui a nourri les bulletins de nouvelles de Radio-Canada de ses reportages en direct du front. 


                              


Des reportages où il donnait la parole non seulement aux généraux et aux soldats, mais aussi aux civils qui racontaient leur débarquement.

                                        


À partir de petits moments anecdotiques, mais révélateurs, les auteurs tentent d’éclairer toutes les facettes de ces opérations militaires. En faisant valser ensemble la grande et la petite histoire, ils donnent un côté humain, émotif, vivant, loin de la rigueur froide des analyses historiques et des productions hollywoodiennes épiques, tonitruantes, trop désincarnées. Bien appuyés par des dessinateurs talentueux, les auteurs nous guident habilement dans les coulisses des événements qui allaient permettre de mettre fin au régime de terreur instauré par Hitler.

                            


Les petits dossiers qui accompagnent chacun des chapitres de la bédé sont comme toujours intéressants. En quelques mots et en quelques suggestions de livres, de bédés, de films et d’endroit à visiter, les auteurs nous donnent un bon panorama et une envie certaine de pousser plus loin nos recherches… Et pourquoi pas d’y aller.

Il est difficile en 2024, d’imaginer l’ampleur et la folie de ces débarquements. Il faut se promener, sur une des plages de la Normandie, regarder l’horizon, humer l’air salin, tendre l’oreille, visiter ses monuments, se recueillir dans ses cimetières militaires silencieux, plein de croix blanches et discuter avec des gens qui l’ont vécu pour avoir une mince idée du courage et de l’inconscience des soldats qui y ont participé, de la souffrance des civils qui ont vécu l’occupation et de la joie qu’ils ont eues lorsque les alliés ont libéré leurs villes et leurs villages.

Si je n’avais pas foulé le sable de Juno Beach, visiter le centre à Courseulles-sur-Mer et le cimetière canadien de Beny-sur-Mer, si je n’avais pas discuté avec cette charmante vielle dame de Caen, qui entendant mon accent québécois était venu spontanément me parler de ces soldats canadiens-français qu’elle avait croisé, toute jeune, lors du débarquement je n’aurais jamais pu vraiment saisir toute son importance et sa symbolique.

La bédé m’a un redonné une parcelle de l’émotion de ce moment.

Une bédé passionnante.

***


                                                 


Passionnante c’est aussi le terme que j’emploierais pour Missak. Mélinée & le groupe Manouchian, les fusillés de l’affiche rouge, une bd documentaire essentielle signée Jean David Morvan et Thomas Tcherkézian.

Le Groupe Manouchian, ce sont 23 résistants communistes condamnés à mort le 17 février 1944 et fusillés le 21 février suivant. 23 résistants, juifs, polonais, français, italiens et arméniens.

Proche du reportage journalistique et de l’étude historique : Les fusillés de l’affiche rouge donnent la parole à ces résistants qui nous racontent leur quotidien. Mais attention, pas une parole réinterprétée, comme on en trouve dans trop de productions culturelles. Oh que non, Morvan ne raconte que les faits. Une stratégie un peu audacieuse, dans un monde où les fictions librement inspirées sont légion, qui pourtant s’avère payant. Pour moi du moins.

Avec son respect de l’Histoire, la discrétion d’un dessin totalement au service du récit et sa rigoureuse narration, sans flafla inutile, le scénariste aguerri propose un fascinant reportage bd où page après page il témoigne de l’engagement de ces résistants, de leur ténacité et de leur refus de se coucher devant l’occupant.

Magnifiquement illustré, Les fusillés de l’affiche rouge est une bande dessinée hypnotique, une visite essentielle au cœur de la résistance quotidienne.

Isabelle Bournier, Emmanuel Marie et al, Une histoire du débarquement Normandie-Provence, Petit à Petit.

JD Morvan, T Tcherkezian, Missak. Mélinée & le groupe Manouchian, les fusillés de l’affiche rouge, Dupuis.

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Les bandes dessinées de l’année 2023

Du grand Ken Follett

Les coups de coeur de l’année 2023