Les 100 derniers jours d’Hitler : La chute du monstre.

                                                        


Par Robert Laplante

On a grandement souligné le débarquement de Normandie cet été. Normal, il s’agissait quand même du 80anniversaire de la plus imposante invasion du XXe siècle. Mais au-delà de son gigantisme, le débarquement marque aussi, avec celui de l’Italie et de la Provence, les premiers coups de boutoir pour ébranler la chape de plomb que l’Allemagne nazie et ses partenaires avaient déroulé sur l’Europe. Le 6 juin 1944, le glas annonçant la fin du régime nazi commençait à résonner timidement, trop timidement certes, sur les terres européennes et coloniales.

                                


En 2015, le journaliste français, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, Jean Lopez publiait : Les Cent derniers jours d’Hitler : chronique de l’Apocalypse aux Éditions Perrin. Une impressionnante chronique sur les ultimes jours du Führer du 15 janvier au 30 avril 1945.

C’est maintenant au tour de la bande dessinée de s’y intéresser, grâce à Jean-Pierre Pécau, Filip Andronik et Sena Mavric qui viennent d’en signer une passionnante adaptation dessinée.

De la défaite des Ardennes à son suicide, c’est toute la débâcle allemande qui est mise en lumière. Mais aussi, celle d’un Hitler de plus en plus paranoïaque, imprévisible, coupé de la réalité et entouré de proches qui lui mentent. Peut-être pour sauver leur peau, peut-être parce qu’ils vivent, eux aussi, dans un monde parallèle. Les auteurs peignent donc, le portrait, jour après jour, d’un Reich qui se désagrège, qui fuit de partout et qui peut d’imploser et d’exploser en même temps.

                               


Pas facile d’adapter une chronique comme celle de Jean Lopez. Il faut respecter la dictature des faits, sans les extrapoler ou les fictionnaliser. Et d’autre part, on doit aussi y mettre en place un suspense qui va garder l’attention du lecteur et humaniser un récit, pour éviter le regard froid sans passion de l’histoire.

                               




Une chance pour nous, Pécau et ses collègues réussissent très bien ce difficile métissage. Bien sûr, me direz-vous, le pari était presque gagné d’avance parce que ces 100 jours sont fascinants. Le talent narratif de Pécau est pour beaucoup dans le succès de la bédé. Non seulement il a su choisir les bons événements, mais en plus il a insufflé la dose d’émotion nécessaire pour les rendre vivants, plus que dans les livres d’histoire.

En donnant un visage humain aux faits, il permet aux lecteurs d’assister, comme s’il était un témoin impliqué, à cette catastrophique fin de règne. Une ultime et désespérée résistance pour un loup qui refuse de mourir, prêt à tout pour embraser une dernière fois le monde avant l’hallali final. Hitler l’avait affirmé s’il devait disparaître, l’Allemagne périrait avec lui.

Un livre captivant.

                                            


La rafle d’Izieu

Puisque nous sommes dans le second conflit, restons-y encore un peu. Le 6 avril 1944, un détachement de la Wehrmacht mené par l’inquiétante Gestapo arrête 44 enfants et 7 adultes de la colonie d’Izieu, une commune située entre Lyon et Chambéry.

                               


Créée par le couple Sabine et Miron Zlatin, au printemps 1943, la colonie accueille des enfants juifs de 4 à 17 ans. Comme le territoire est sous occupation italienne, les jeunes pensionnaires ne sont pas inquiétés.

                                          


H ça ne durera qu’un temps. Une toute petite période où on pouvait encore entendre le rire des enfants dans sa cour. En avril 1944, suite à une dénonciation, les autorités allemandes sont mises au fait de la présence de ces jeunes juifs. Rapidement, l’armée est mandatée pour aller les chercher, les emprisonner et par la suite les envoyer grossir les rangs des victimes qui partaient pour les camps de la mort. Seul un adulte sortira vivant de cette rafle.

Signée Pascal Bresson et Giulio Salvadori La rafle d’Izieu est une bande dessinée essentielle sur la Shoah et la grande boucherie de 39-45. Plus que simple succession de faits, elle s’intéresse aussi au combat de Sabine Zlatin pour garder vivant le souvenir de cette insoutenable et incompréhensible tragédie, et pour traduire en justice ses horribles responsables, dont le monstrueux boucher de Lyon : Klaus Barbie.

Avec ses habiles aller-retour dans le temps, les réminiscences des témoins, des acteurs et des victimes et ses dialogues empreints du parfum du quotidien et de l’incompréhension, Bresson réussit à donner un visage humain à ce tragique événement sans pour autant sacrifier la rigueur historique.

Une bande dessinée troublante parce qu’on ne doit pas oublier.

Pécau, Andronik, Mavric, Verney, d’après le livre de Jean Lopez. Les 100 derniers jours d’Hitler, Delcourt.

Pascal Bresson, Giulio Salvadori, La rafle d’Izieu, La Boîte à Bulles

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