Les Freaks Brothers : Faut trouver le joint
Par Robert Laplante
On le sait « en 67 tout était beau, c’était l’année de l’amour, c’était l’année de l’Expo » comme le chantait Beau Dommage.
Un avant-goût de l’ère du Verseau quoi !
Mais ça, ce n’était qu’en 1967. Dès 1968 l’humanité retournait dans un véritable foutoir. Pourquoi ? Tout simplement à cause des Freak Brothers, ces tordants « loosers » à l’humour dévastateur, propulsé, à leur plus grande surprise et pour notre plus immense plaisir, aux rôles de héros involontaires et de ridicules gourous d’opérette.
Parce que nos trois barjots ont décidé un jour d’aller directement s’approvisionner en substances hallucinogènes dans les pays producteurs de paradis artificiels. Après tout, si cela pouvait éviter de payer des intermédiaires, pourquoi pas ! Il n’y a pas de petits profits, dit-on.
Hélas, ce qui semblait à l’origine une bonne idée devient vite une catastrophe « montypythonesque. » Normal, me direz-vous, ce sont quand même les Freak Brothers. Et avec eux, rien ne se déroule jamais vraiment comme prévu. La fatalité, le destin ou un dieu particulièrement factieux, peut-être Loki, s’amuse à leurs dépens.
Bref, convaincus de la richesse de leur idée : Freewheelin' Franklin, Phineas T. Freakears et Fat Freddy Freekowtski prennent le chemin de l’aéroport, histoire de coincer le premier avion pour la Colombie.
Une fois à la gare aérienne, le plan balèze part rapidement en eau de boudin. L’aérogare est sens dessus dessous. Un véritable capharnaüm plus bordélique que les écuries d’Augias. Incapables de se trouver trois billets pour Bogota, nos trois frangins dans la défonce et la fainéantise se cherchent chacun un aller. Ils se rejoindront quelque part dans la capitale colombienne.
On s’en doute, Bogota ne sera pas la destination la plus facile à atteindre pour les trois lurons. Ils auront le temps de visiter la planète avant de se retrouver. Ce qui ne les aura pas empêchés de se mettre à dos des terroristes, des trafiquants, des militaires conspirationnistes, des pirates et des fanatiques religieux en demande obsessive d’un nouveau gourou. Même s’il est aussi improbable et grotesque que Phineas T. Freakears.
Dessinée par Robert Shelton et écrite par Paul Mavrides, la plus longue aventure des Freaks Brothers est un ovni totalement déjanté, sans queue ni tête, incontrôlable, plein de bonne humeur et de tonitruants éclats de rire. Pensez l’inimaginable, et vous êtes encore très loin de ce qui va arriver à nos trois amis.
Premier tome d’une intégrale proposée par Revival, qui bénéficie d’un travail de renumérisation et d’une nouvelle traduction, plus moderne, mais quelques fois un peu trop franco-franchouillarde, Les idiots se font la malle et autres dingueries est une bande dessinée absolument irrésistible et résolument absurde.
Le tour du monde de nos trois perdants, loin d’être magnifiques, est une hilarante escapade dans un monde hors de contrôle. Un univers où la logique implacable de notre réalité est totalement disparue des radars. Tout est imprévisible dans ce road trip hirsute.
Et puis, il y a le trait de Shelton toujours aussi réjouissant, sympathique, plein d’entrain et qui m’a beaucoup fait penser a celui du Richard Suicide des Chroniques du Centre-Sud.
Ce n’est pas mêlant j’avais, moi aussi, envie de devenir, l’espace d’un instant, un membre de la fratrie en quête des clés pour défoncer les portes de la perception.
Comme si ce n’était pas assez, on retrouve en prime une hilarante aventure du chat de Fat Freddy. Le félin, copie conforme de son maître, est cette fois-ci témoin d’une guerre entre différentes factions de cafards. Ceux de l’appartement de Fat Freddy et les autres, chassés de leur « home sweet home » par l’intervention d’un technicien en gestion parasitaire. Devant le flux incontrôlable de réfugiés, les blattes germaniques de Fat Freddy décident de recourir aux grands moyens.
Comme quoi la bêtise humaine est contagieuse.
Gilbert Shelton, Paul Mavrides, Les Freaks Brothers intégrale tome 1, Les idiots se font la malle et autres dingueries suivi de Fat Freddy’s Cat Connaissance des cafards, Revival.
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