Shaïgan : Le retour de l’amnésique
Par Robert Laplante
Quand vient le temps de dresser la liste des plus cruels marins fictifs des 7 mers, Shaïgan-sans-merci se trouve, sans aucun doute, dans la position de tête.
Shaïgan, une véritable machine à tuer, est sans merci lorsqu’il s’agit de s’emparer des richesses des navires, qu’ils soient marchands ou non, ainsi que de piller les terres du royaume saxon. Rien ni personne ne peut lui résister, pas même les prêtres et les nonnes chrétiens, qui sont victimes de sa cruauté implacable. Celle-ci est partagée par ses hommes, ainsi que par Kiss de Valnor, son fidèle acolyte. Une marionnette vide qui commence, toutefois, à se poser des questions sur un passé, dont il est incapable de se souvenir.
Les admirateurs de Thorgal sont familiers avec l’histoire du terrifiant fléau marin. Ils savent aussi que, dans les profondeurs de sa mémoire déstructurée, dort un Thorgal amnésique depuis La forteresse des bannis.
Eux le savaient, mais pas moi. Parce que je n’ai suivi que timidement la série. C’est à partir de Thorgal Saga que je me suis découvert des atomes crochus avec lui. Et on peut dire que cette passion va se continuer avec le nouvel opus Shaïgan, signé Surzhenko et Yann.
Dans cette nouvelle aventure, qui se situe juste avant Géants, le 22e tome de la série officielle, Thorgal s’enfonce dans sa crise identitaire. S’il se croit toujours le féroce pirate, il ne peut s’empêcher de se poser des questions. Sur son passé, sa personnalité incontrôlable.
Pour découvrir la vérité, il entreprend une quête pour retrouver l’épée mythique Fyskhkryggr, qui avait autrefois appartenu à Sigtrygg, le tueur de Berserkir. Mais ça, c’était avant que le roi Halvdan le noir ne la vole et ne la cache dans son mausolée sur Hryggr, l’île au tumulus. Une île aux mille dangers où rodent mort et spectres.
Saluons le courage de Yann, qui a osé explorer cette période plus sombre du personnage. Il a écrit un scénario palpitant qui relie Thorgal amnésique du début du cycle de Shaïgan-sans-merci et le retour du Thorgal qu’on connaît, qui conclut le même cycle.
Certes, on pourrait reprocher, à Yann et Surzkenko d’être trop proches de la série originale et de ne pas bouleverser son univers, comme l’ont fait, par exemple, les deux premiers tomes de Thorgal Saga. Parce qu’il faut bien l’avouer, ce nouvel album est une BD d’aventure drôlement bien foutue, efficace et sans temps mort.
Si Surzhenko suit fidèlement les sentiers graphiques défrichés par Rosiński, Yann, lui, qui travaille pourtant depuis plusieurs années sur la série, propose un scénario beaucoup plus solide que d’habitude. Alors que je le sentais un peu coincé dans le format traditionnel de la série officielle, les 80 pages de Shaïgan lui permettent de bien développer le rythme de son intrigue, d’y déployer toute la richesse de son talent de conteur et de redonner au Viking un souffle épique, qui semblait moins présent dans les derniers tomes de la série officielle.
Est-ce que cette nouvelle mouture plaira aux aficionados de Thorgal ? Je ne sais pas. L’important, c’est que j’y ai eu beaucoup de plaisir. Tellement que j’ai maintenant envie de lire tout le cycle de Shaïgan-sans-merci. Ce que je vais faire de ce pas.
Quelques fois, ne pas être un connaisseur peut être aussi une bénédiction
Surzhenko, Yann, Thorgal, Shäigan, Le Lombard.
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