Un petit Noël presque tout en bd.

 

                                                       


Par Robert Laplante.

Si, dans les prochaines soirées, vous prêtez une oreille attentive, vous pourrez entendre, grâce au vent du nord, des notes cristallines très timides. De petits tintements lointains qui proviennent du traîneau du père Noël. C’est que, vous savez, le bon vieux Santa, là-bas, dans son royaume septentrional, fait les dernières vérifications pour sa fameuse tournée nocturne du 24 décembre. Pas question qu’un pépin vienne tout gâcher. Tout doit être parfait.

C’est pour ça qu’il m’a contacté, à moins que ce ne soit le père Christophe Rodriguez, il y a quelques semaines pour savoir le choix de mes bédés de l’année. Parce qu’une BD est toujours un excellent cadeau, voici, non pas mes 10 bandes dessinées préférées de l’année, mais plutôt mes 11. Celles que j’ai fortement recommandées à ce bon vieux, sympathique et joufflu barbu… Le père Noël, bien sûr.

                                       


10 — Luz, Deux filles nues, Albin Michel : Grand prix de la critique de l’Association des critiques et journalistes de bande dessinée 2025, Deux filles nues racontent l’histoire du célèbre tableau d’Otto Mueller, victime de la folie des nazies et de leur obsession face à l’art « dégénéré ». La plus aboutie et la plus réussie des bandes dessinées de Luz.

                            


9 — Ali Arkady, Simon Rochpeau, Isaac Wens. L’homme qui en a trop vu, Futuropolis. À l’automne 2016, Der Spiegel demande à Ali Arkady d’écrire un reportage sur le début de l’offensive, à Mossoul, contre Daesh. Il y a passé deux mois à suivre les soldats au quotidien, à écouter leurs conversations et à découvrir l’horreur : exactions contre les civils, viols, tortures… Une bande dessinée troublante et essentielle.

                                          


8 — Fromental, Yslaire, d’après Georges Simenon : La neige était sale, Dargaud : une superbe adaptation d’un des romans les plus marquants de Simenon. Les personnages désespérés et l’ambiance gris et glauque dans laquelle ils évoluent sont magnifiquement mis en mots en images par un Fromental et un Yslaire au sommet de leur forme.

                                  


7— Selon le roman de Stephen Crane, Le combat d’Henry Fleming, adapté en bande dessinée par Steve Cuzor (Dupuis), Henry Fleming, 18 ans, quitte sa mère pour s’enrôler dans l’armée du Nord. Peinard, il ne rencontre aucun sudiste… Jusqu’au jour où les trompettes de Mars se font entendre près de lui. Ce choix de s’engager, qui semblait si simple avant les combats, l’est beaucoup moins maintenant. Tout comme la mince ligne qui sépare le courage, de la lâcheté et la folie de l’instinct de survie. Une bande dessinée percutante qui m’a beaucoup accompagné après sa lecture.

                                      


6 — Bastien Vivès, L’affaire Bastien Vives, Charlotte Éditions : La BD la plus drôle de l’année. Cynique, sarcastique, caustique et absurde, Vivès frappe sur tout ce qui bouge et ne fait pas de quartier, à la façon des meilleurs dessinateurs de Charlie.

                                                


5— Gautier Langevin, Olivier Carpentier, Far out l’intégrale, Front Froid : Un western robotique sur une planète lointaine et désertique. Morricone et Leone rencontrent la science-fiction. Le résultat est une bande dessinée de haut vol, superbement écrite et dessinée par un duo de choc qui maîtrise parfaitement son univers et son langage. On regrette seulement que la série soit terminée.

                                      


4 — Cédric Loth, Le petit ramoneur Moelle Graphik : Une bédé totalement absurde qui valse entre le réalisme magique et les Monty Python. Le dessin est exceptionnel et le scénario, complètement délirant, est parfumé de l’esprit de Fred Pellerin et de Sol.

                                  


3— Larcenet, La route, Dargaud : Dans un monde postapocalyptique, un père et son fils errent sur une route sans fin et pleine de menaces. Adaptation exceptionnelle du roman du roman de Cormac McCarthy. Le grand romancier trouve en Manu Larcenet le partenaire idéal pour explorer son monde crépusculaire. Une grande bédé.

                             


2— Xavier Coste, Philip Börgn, inspiré de l’œuvre de George Orwell, Le journal de 1985, Sarbacane : Une impressionnante et audacieuse suite au 1984 d’Orwell. Une lecture fascinante et hypnotique, aussi puissante que le roman original. Le pari était un peu fou et casse-gueule, mais Coste a relevé le défi avec brio.

                                  


1-Christophe Quillien. Jean Giraud alias Moebius, Seuil : La biographie essentielle d’une des légendes de la bédé mondiale. Quillien propose un portrait d’un Giraud/Moebius aussi insaisissable qu’inclassable. Un artiste qu’on était incapable d’enfermer dans une petite boîte et qui apparaissait toujours là où on ne l’attendait pas. Les mots du biographe le rendent tellement vivant qu’on a l’impression d’être avec lui, de la connaître depuis toujours. La bédé de l’année, même si ce n’en est pas une.

                                          


1 bis — Mohammad Sabaaneh, 30 secondes à Gaza, Alifbata : Recueil d’illustrations que le dessinateur palestinien a consacré au quotidien des Palestiniens lambda depuis le 7 octobre 2023. Ouvrage presque insupportable, tant il fait mal à notre humanité, 30 secondes à Gaza témoignent, en quelques coups de pinceau et plus que les reportages journalistiques et les analyses des spécialistes, d’une horreur sans nom.

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