Dracula : Le retour du vampire.

 

                                           


    

Par Robert Laplante

Vampire , vous n’avez pas la berlue. Aujourd’hui on parle de vampires. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu’il semble que le suceur de sang, le monstre le plus terrifiant de mes cauchemars d’enfance, soit de retour, après une petite pause d’une décennie, dans notre culture populaire.

C’est effectivement ce qu’on pourrait conclure à la lumière du succès critique et populaire du Nosferatu de Robert Eggers



de la sortie prochaine de Dracula : À Love Tale de Luc Besson 


                                           


et de quelques autres productions culturelles actuelles. En bref, tout laisse croire que le mythe du croquemitaine soit de nouveau sous les projecteurs.

Il est important de noter que, pour l’instant, les auteurs ne sont pas aussi éclatants que ceux des années 1990 et 2000, tels que ceux allumés par Anne Rice, Stephanie Meyer, Lise J Smith et autres Charlaine Harris. Ils sont différents et moins flamboyants, mais ils sont tout de même remarquables.

Les nouveaux observateurs du vampirisme s’éloignent des sentiers battus de l’humanisation vampirique, tels que tracés par ces autrices. Ils préfèrent plutôt s’aventurer dans les profondeurs les plus sombres de leur psyché, ces zones d’ombre qui les transforment en êtres à la fois effrayants et séduisants, capables de corrompre et de pervertir la beauté de l’innocence d’un seul regard hypnotique.

Parmi ces monstres nocturnes, aucun n’a atteint le charme froid, ténébreux et pervers de Vlad Țepeș dit Dracula, ce seigneur de Valachie dont l’unique ambition était de boire l’humanité jusqu’à plus soif. Adieu les Tom Cruise, Brad Pitt et Robert Pattinson et autres vampires presque sympathiques, nous sommes maintenant à l’aube du grand retour de l’Empaleur, plus démoniaque que jamais.



Le Dracula de Browning, de Tynion et de Simmonds.

En 1931, le réalisateur américain Todd Browning, à la demande du producteur Carl Laemmle jr, réalisait Dracula. 9 ans après Nosferatu le vampire de Murnau, interdit de diffusion pour violation du droit d’auteur, le célèbre comte reprenait du service sur la pellicule.

https://alugha.com/videos/02c23797-7fd3-11ea-8584-6d0a958e56f4?lang=fra


Adapté de la pièce de théâtre éponyme de 1924, le Dracula de Browning fait partie de la célèbre série des monstres de la Universal. Cette série révéla Lon Chaney, Boris Karloff et Bela Lugosi. C’est lui qui a fixé dans la mémoire populaire l’imagerie de Țepeș.

Les bédéistes James Tyson IV et Martin Simmonds ont, eux aussi, été influencés par le vampire de Browning et de Lugosi. Assez du moins, pour y consacrer la bande dessinée Dracula qu’Urban vient de traduire et publier.

                        


Inspirés par le film de 1931, les deux bédéistes se sont aventurés dans les méandres obscurs de la personnalité du Valaque, que Browning n’aurait peut-être pas osé aborder. Le résultat est que les deux auteurs nous plongent dans les coins les plus sombres de la toile machiavélique que la créature infernale, qui est relativement absente de la bande dessinée, tisse autour des personnages.

                                  


Oui, le comte est peu présent dans la bande dessinée, mais physiquement, j’entends, car son souffle fétide, son ombre menaçante et les échos de sa présence anxiogène enveloppent toutes les cases. Un peu comme le Orson Welles du 3homme, Dracula s’impose malgré son absence physique.

                                             


James Tynion IV se sent à l’aise dans ce récit expressionniste où les sous-entendus sont plus importants que la réalité concrète. Avec sa narration efficace, le scénariste échafaude une ambiance cauchemardesque à la fois familière et différente de nos craintes « draculaesques » habituelles.

                                   


Quant au travail de Martin Simmonds, il est impeccable. Le dessinateur distille progressivement, depuis les premières pages, l’angoisse insidieuse du Prince des Ténèbres. Grâce à son habile utilisation du rouge, comme si son pinceau s’était nourri de sang frais, et à son trait aussi vaporeux que les brumes d’une hantise qui ne s’arrête jamais, le bédéiste met en scène une tragédie « grand guignolesque » qui traduit à merveille les mots de Tynion.

Une lecture qui redonne envie de renouer avec le Dracula de Browning. Quelqu’un aurait-il une idée d’où je pourrais trouver cette version ?

Le Dracula de Quesnel.

Si vous avez le temps et les sous, parce qu’elle est quand même légèrement onéreuse, jetez un coup d’œil à la nouvelle édition du Dracula de Stoker, illustré par Christian Quesnel.

                               


Le dessinateur de Saint-André-Avellin propose 30 hallucinantes illustrations inspirées du récit du célèbre membre de The Hermetic Order of the Golden Dawn in the Outer, une société secrète qui s’inscrivait dans la fin du XIXe siècle.

Christian Quesnel a trouvé, dans la prose du Dublinois, un moyen idéal d’explorer sa fascination pour le gothique. Le mystère et la peur suintent de chaque dessin. Son encre semblait être composée des craintes les plus profondes : l’obscurité, les ombres menaçantes, les rats et l’innommable. Comme s’il avait réussi à reproduire avec son trait les mélodies angoissantes à la Goblin que j’ai toujours entendues dans les mots de Stoker.

                                   


Si on disait que les illustrations de Gustave Doré laissaient entrevoir les dangers cachés dans les ombres de ses forêts, celles de Quesnel, quant à elles, évoquent plutôt nos peurs ancestrales, refoulées par des siècles de domestication.

Et ça, c’est aussi réjouissant qu’inquiétant.


                          


James Tynion IV, Martin Simmonds, Dracula, Urban.

Bram Stoker, illustré par Christian Quesnel, Dracula, Éditions Callidor

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