Le ciel bleu le soleil, la mer … Et les pirates.
Par Robert Laplante
Brrr… Le vortex polaire de janvier se fait cruellement ressentir dans les rues de Montréal. De quoi donner le goût de la Jamaïque, de Marie-Galante ou d’une de ces îles du Sud, où le soleil, la mer, le sable chaud et les fantômes des nombreux pirates de notre imagination occidentale sont toujours présents.
Mais voilà, je n’ai ni le temps ni l’argent pour m’y rendre et y passer quelques semaines. Pas de souci, mes bandes dessinées sur les pirates sont là pour me plonger dans leur univers et me réchauffer pendant cet interminable hiver. Et c’est parfait, car deux nouvelles bandes dessinées de pirates font leur entrée dans nos librairies au moment où cet enfer glacé pointe le bout de son nez.
La dernière nuit d’Anne Bonny
Depuis quelques années, Claire Richard produit des balados pour diverses radios francophones européennes. Elle y présente des récits de fiction et des histoires vraies, où elle explore toute la richesse du médium radiophonique. Pour ARTE, la lauréate de nombreux prix radiophoniques a créé La dernière nuit d’Anne Bonny, un balado en 9 épisodes qui se penche sur la plus célèbre des pirates. Intrépide, rebelle et amoureuse de liberté, Anne Bonny était une femme digne de respect dans un univers où cette qualité n’était pas toujours de mise, même chez les pirates.
Après avoir conquis les ondes radio, Anne Bonny s’aventure maintenant dans l’univers de la bande dessinée avec une adaptation sympathique du balado de Claire Richard. Bon, il n’y a rien de nouveau sous le soleil me direz-vous. Ces dernières années Franck Bonnet, Matteo Mastragostino et Alessandro Ranghiasci se sont aussi intéressés à elle. Vous avez raison, Anne Bonny a beaucoup bourlingué sur les mers de papier. Mais moi, ça ne me dérange pas. Son histoire est si captivante que je ne me lasse jamais de la relire et de la redécouvrir sous différents angles.
Nouvelle Orléans 1780, sentant la mort réclamer son dû, Anne Bonny, devenue maquerelle dans un lupanar du Quartier français, décide de se confier à une de ses filles, sa préférée, Apolline. En échange de son aide pour la rédaction de ses mémoires, elle lui offre son commerce. Anne Bonny en a assez des exagérations, des demi-vérités, des calomnies et des mensonges que le capitaine Charles Johnson a écrits à son sujet dans son célèbre ouvrage « Histoire générale des plus fameux pirates », publié en 1724.
Grâce à la plume d’Apolline, Bonny s’efforce de redresser les pendules, afin que son récit soit enfin écouté et que les commérages répandus par Johnson, ou Daniel Defoe, selon la rumeur, puissent finalement cesser.
Pendant une nuit, la vieille dame indigne s’ouvrira sur sa jeunesse irlandaise, sa mère, son père, procureur très en vue à Cork et marié à une autre, son séjour à Charleston, sa noce malheureuse avec James Bonny, un pirate de 3e ordre, ses amours avec Jack Rackham, avec qui elle écumera les Caraïbes, et sa capture par le capitaine Charles Barnet, un corsaire au service du gouverneur de la Jamaïque.
Cette bande dessinée captivante, rythmée et remplie de rebondissements, intitulée « La dernière nuit d’Anne Bonny », retrace avec enthousiasme l’existence audacieuse, sans compromis et sans concession de cette figure marquante.
En métissant judicieusement symbolisme, histoire officielle et réminiscences d’Anne Bonny, Claire Richard met en scène un sympathique petit théâtre, plein de bonne humeur et de générosité, imprégnées des séduisantes volutes de mystère qui enveloppent le monde des pirates.
Et ne serait-ce que pour ça, la lecture vaut le coût.
Raven : Furies.
Il est important de mentionner Raven, ce redoutable flibustier créé par Mathieu Lauffray, qui a laissé libre cours à sa passion pour les récits de piraterie et les bandes dessinées d’aventure.
Malheureusement, la folle traversée de Raven se termine avec ce troisième et dernier tome. Mais quel tome ! Il faut bien l’avouer, il a le chic, le Raven, pour quitter avec panache et laisser un petit vide en nous. Parce qu’on l’aimait bien, ce brigand fantasque, cabotin et impertinent.
Dans cet ultime opus, Raven est toujours coincé sur cette île peuplée de féroces cannibales, comme tous les cannibales, et de boucaniers furibards. Normal, il a quand même fait disparaître leur capitaine, Lady Darksee, et spolié le trésor qu’ils convoitaient, celui de Chichen Itza.
Comme à son habitude, le sympathique et insolent antihéros s’est mis dans une situation plutôt compliquée. Peut-être même plus que d’habitude. Il y a des nœuds gordiens que même Raven ne peut défaire.
Cette scène finale met en évidence les qualités scénaristiques et visuelles remarquables de Lauffray. Maître du récit d’aventures, le dessinateur de bandes dessinées évolue avec une dextérité remarquable dans l’univers des pirates d’Hollywood. Grâce à sa vaste connaissance des codes de l’aventure maritime, il nous séduit avec une histoire qui a déjà été lue ou vue mille fois. À l’instar du réalisateur Gore Verbinsky, connu pour avoir dirigé les trois premiers volets de Pirates des Caraïbes, le dessinateur s’engage avec enthousiasme, générosité et insouciance dans l’univers stéréotypé des pirates du cinéma d’antan. Et c’est le lecteur qui en ressort gagnant.
Comme toujours, son dessin, absolument scotchant, sert à merveille ce monde plus grand que nature, où la démesure côtoie constamment le hors norme.
Il y a des petits plaisirs dont on n’a pas le droit de se priver. Raven en fait partie.
Claire Richard, Alvi Ramarie, La dernière nuit d’Anne Bonny, Le Lombard,
Mathieu Lauffray, Raven tome III Furies, Dargaud.
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