Obscure et céleste, Les enquêtes de Galilée.
Par Robert Laplante
Si, sur mon lit de mort, je devais faire la liste des lectures les plus marquantes de ma vie, Le nom de la rose, extraordinaire roman d’Umberto Eco, figurerait parmi les 5 premières.
Rien que d’y penser, je ressens encore l’excitation que j’ai éprouvée en le frisson que j’avais lors de sa lecture il y a très un bon bout. Trop longtemps. C’est grâce à lui, si je suis tombé amoureux des romans historiques à énigme. Ces romans qui savent concilier ma passion pour les polars et pour l’histoire.
Depuis que j’ai découvert ce genre de littérature, j’en suis devenu un grand amateur. Je m’efforce de le lire régulièrement. Parfois, comme avec « Imprimatur » de Rita Monaldi et Francesco Sorti, « La machine Ernetti » de Roland Portiche ou Qumran d’Éliette Abécassis, je retrouve la même satisfaction. D’autres fois, pour Dan Brown, c’est totalement différent. Et à l’occasion j’ai l’impression de vivre un rendez-vous manqué, un récit plein de promesses, mais difficilement exploité ou que j’ai mal compris.
E pur si muove !
L’ouvrage « Obscure et céleste » de Marco Malvaldi appartient malheureusement à la seconde catégorie. Pourtant, il avait tout pour me séduire, cette enquête se déroulant au XVIIe siècle.
En 1631, l’Europe est en proie à la guerre et l’Italie, dont Florence, est ravagée par la peste. Pourtant, le couvent de San Matteo est le théâtre d’un événement inattendu : la mort subite d’une Clarisse dans la fleur de l’âge.
Quelqu’un a-t-il commis un meurtre, un suicide ou une autre forme de violence sur une religieuse ? Qui aurait pu vouloir tuer cette religieuse, et surtout, pourquoi ? Pourquoi ? Serait-ce parce qu’elle connaissait trop de secrets ? Après tout, elle faisait partie du même ordre que les filles de Galilée, qui appartenaient à la communauté de San Matteo. Elle avait également aidé le célèbre scientifique à rédiger son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde. Voilà qui est intrigant… Cette histoire a piqué la curiosité du mathématicien de Pise.
Bien que l’hypothèse de départ du scénario me plaise beaucoup et qu’elle ait peut-être même mérité d’être incluse dans la liste des romans mentionnés en début de chronique, je dois admettre que le résultat final n’a pas répondu à mes attentes.
Permettez-moi de clarifier ma pensée : « Obscure et Céleste » est assurément un livre remarquable. Sa trame narrative est captivante, sa cadence est palpitante, et son style narratif est efficace. Toutefois, en dépit de ces aspects positifs, il y a quelque chose qui m’a légèrement déçu. Il lui manque le petit je-ne-sais-quoi qui lui aurait permis de me laisser un souvenir indélébile.
C’est peut-être à cause des interventions du conteur, ces petits clins d’œil humoristiques au lecteur, qui brisent constamment l’atmosphère qu’il échafaude. Où les notions historiques, mathématiques, scientifiques et religieuses ne sont pas toujours bien intégrées à l’intrigue et semblent plaquées artificiellement, ce qui perturbe sa musicalité. Ou encore, le récit aurait pu être plus concentré, moins digressif.
Cependant, ne vous méprenez pas : c’est une fiction intéressante, mais je l’aurais aimé plus captivant. Galilée le mérite vraiment.
Það sem þér mislíkar, gerðu ekki öðrum.
En parlant de romans qui ne tiennent pas leurs promesses, comment qualifier « Noir comme la neige » de Lilja Sigurdardottir, dramaturge et reine du polar islandais selon le Financial Times, dont la trilogie « Reykjavik noir », traduite en une dizaine de langues, a figuré sur la liste des meilleures ventes dans plusieurs pays ?
Islande maintenant. Daniel Hansson, de la brigade criminelle, est convoqué au port. On a découvert des corps de femmes dans une caisse. L’un d’entre eux est encore en vie. Seraient-ce des victimes de la traite des êtres humains ? Peut-être… Hannson et sa collègue Helena croient en cette théorie. Cependant, toutes les pistes ne sont pas faciles à explorer, et certaines se révèlent beaucoup plus dangereuses qu’on ne le pensait au départ. En particulier si Interpol s’en mêle.
Tout comme pour Obscure et Céleste, j’avais hâte de lire Noir comme la neige. Malheureusement, ce fut une déception, de la même manière que le livre de Malvaldi. Malgré cela, l’écriture est convaincante, la structure narrative est solide et le rythme est haletant, sans aucune interruption. Dès le premier chapitre, Sigurdardottir s’engage à toute vapeur et continue à toute allure jusqu’à la conclusion.
Peut-être que c’est ça, le problème. Tout se déroule tellement rapidement qu’on a l’impression de manquer d’éléments et de temps pour bien comprendre l’intrigue, pour en faire l’expérience.
Je ne mentionnerai pas certains rebondissements trop pratiques avec le gars des vues, des lapins qu’elle sort de son chapeau pour reprendre le contrôle d’une histoire qui lui échappe peut-être. Je pense à cette agente d’Interpol qui a infiltré le réseau de traite des femmes et qui en est la cheffe. Elle met tout en œuvre pour saboter le travail des deux policiers. Une révélation un peu trop « hollywoodienne » et prévisible, qui arrive au moment où l’enquête piétine et se perd dans des dédales inutiles.
Et il ne faut pas oublier les personnages faiblissants dont le tempérament est à peine esquissé, des ombres prises au piège d’une histoire qui les dépasse.
En bref, un roman qui manque d’originalité et d’âme. Dommage.
Marco Malvaldi Obscure et céleste, Seuil
Lilja Sigurdardottir, Noir comme la neige, Métailié Noir.


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