Retour à Liverpool : 4 garçons dans le temps.

 

                                                               


Par Robert Laplante

Quand on y pense, l’épopée des Beatles est quand même incroyable. Plus de 50 ans après sa dissolution, le groupe continue de piquer notre curiosité et de nourrir notre imaginaire collectif. Rappelez-vous la frénésie autour du Get Back de Peter Jackson. C’est peut-être parce que les 4 Liverpuldiens ont depuis longtemps troqué le statut de musiciens pour celui d’icônes culturelles. Des symboles qui incarnent le vent de changement qui a balayé les sociétés occidentales dans les années 60.


                                            


Et comme toutes bonnes icônes. Les Beatles ne s’appartiennent plus. Ils nous reviennent. Chacun, a sa représentation des Beatles, parfois juste et d’autre fantasmée.

Hervé Bourhis aime les Beatles. Il est au fait leur histoire sur le bout des doigts, comme il aime et maîtrise par cœur le rock’n’roll et la pop music. C’est cette connaissance et cette admiration pour cette musique qui a tout chamboulé sur son passage qui lui a permis de scénariser certaines des plus belles pages rock de la BD franco-belge.

Dans Retour à Liverpool, Bourhis et son, collaborateur l’excellent dessinateur Julien Solé, aussi talentueux que son bédéiste de père, imagine avec un humour corrosif et impertinent ce qu’aurait pu être la réapparition du groupe le plus marquant de l’histoire de la musique pop au début des années 80.

1980, Hamilton Bermudes. John Lennon est en vacances avec son jeune fils Sean. Forcés par Yoko de s’éloigner d’elle, elle est en cure de désintoxication et John ne le sait pas, les deux n’ont pas grand-chose à faire dans ce paradis ensoleillé. De longues randonnées en voilier, quelques visites dans les bars locaux et des heures d’écoute radiophonique où le dernier succès de Paul McCartney Coming Up n’arrête pas de tourner. De quoi le rendre fou. Pas juste parce que la chanson de Macca est un insupportable ver d’oreille. Mais aussi parce qu’elle lui met en plein gueule ses quarante ans, son très long silence artistique et la possibilité de sombrer dans les tréfonds de nos mémoires musicales, là où les souvenirs s’estompent.


                                                    


Lors d’une traversée en pleine tempête, Lennon reçoit derrière la tête une des poulies de son voilier. Ouch! Sous le choc le compositeur d’Imagine s’évanouit tandis que son inconscient vagabonde dans une autre réalité. Un autre monde où il tente de reformer ce groupe qu’il n’arrête pourtant pas de renier.

Hélas la tâche ne sera pas facile. Georges et lui ne se parlent plus suite à la publication de l’autobiographie du plus calme des Beatles. Et c’est sans compter sur l’indifférence générale d’une actuelle génération qui garde d’eux un souvenir diffus comme une minuscule lumière rouge qui clignote dans les abysses de notre amnésie collective.

Une chance, ce n’est qu’un mauvais rêve. À son retour sur la terre ferme, John retrouve une sérénité face au reste de sa vie. Il vient d’avoir 40 ans, le monde lui appartient toujours, il a envie de briser ce silence musical et de refaire un nouveau disque… Le reste fait partie de l’histoire.

Sympathique fantaisie pleine d’humour et de séduisant cynisme «lennonesques» Retour à Liverpool met en scène le destin des Fab Four, en quête de pertinence musicale après le tremblement de terre punk et new wave. 4 surdoués relégués au rang de reliques comme s’ils avaient dépassé leur date de péremption.

Appuyé par le magnifique trait de Solé, compagnon idéal pour illustrer ce scénario déjanté, Bourhis nous propose une histoire trempée dans la sympathique dérision bon enfant qu’on retrouvait dans Hard Day’s Night et Help. On y retrouve aussi les dérapages incontrôlés et incontrôlables qui ont fait le charme des Monty Python, qui incidemment y font quelques apparitions.

Mais par-dessus tout il y a la grande connaissance «beatlienne» de Bourhis qui imprègne chaque page. Mais attention, nous ne somme pas ici dans une biographie des Beatles, revisitée par Les belles histoires de l’oncle Paul. Au contraire le scénariste loin de faire un scénario froid et désincarné concocte un récit où se métissent allégrement fabulation et réalité.


                                                      


Belle proposition d’une histoire qui aurait pu arriver; Retour à Liverpool est le fantasme de Bourhis sur le retour de ses Beatles. Un fantasme qui a alimenté toute une génération d’aficionados et qui a pris fin ce 8 décembre 1980 à 22 h 40 lorsque Mark David Chapman s’est présenté devant l’entrée du Dakota pour demander un autographe…

Et si les années 60 étaient mortes ce 8 décembre.

Hervé Bourhis, Julien Solé, Retour à Liverpool, Futuropolis.

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